31.12.20

Règle numéro un : quoi qu’il arrive, ne jamais renoncer à son œuvre. Si j’en crois les propriétés du fichier, le texte que je viens de terminer, ou plutôt dont je viens de terminer le début, le grand un, disons, je l’ai commencé le seize juillet. Il y a quatre mois et demi. Onze pages. Presque rien en un temps démesurément long. Qu’est-ce que cela prouve ? Rien. Ce fait n’est pas une conséquence logique de la règle numéro un. La règle et le fait n’ont rien en commun. Ils sont simplement juxtaposés. Si j’énonçais la règle numéro un, c’était simplement pour me convaincre qu’il ne fallait jamais désespérer, si stupide que cette idée puisse sembler, trop stupide, d’ailleurs, je vais la biffer, et je dirai donc : qu’il ne faut jamais se laisser briser. Mais qu’est-ce que ça veut dire ça aussi ? Aucune idée. Laisse tomber. Ne suis-je donc capable que de généralités absurdes aujourd’hui ? Probablement. Quatre mois et demi, c’est démesurément long, en effet, et pourtant, je ne pensais pas parvenir à mettre un point (même s’il n’est pas final) à ce texte, je pensais qu’il resterait comme ça, inachevé, lettre morte avant d’avoir pu signifier quoi que ce soit. C’est en courant ce matin, sous la pluie, que la façon de le finir m’est apparu. Pas avec des mots, pas avec des idées, pas avec du langage ; mais avec un rythme, une mélodie que mon oreille ne semblait plus capable d’entendre depuis des mois, et que j’ai entendue de nouveau. Aussi n’est-il pas faux de dire que j’écris à l’oreille. Un peu comme ce que Feldman, la langue dans la joue, racontait qu’il disait à Barbara Monk : it’s okay to find the notes with the fingers. Tu as le droit d’écouter profondément et de trouver les notes avec les doigts. C’est une question de. Ce n’est pas une question du tout. C’est une réponse à un problème. Et si tu ne résous pas ce problème, quoi que ce que tu fasses vaille, tu es impuissant. Règle numéro un : quoi qu’il arrive, ne reste pas muet.