Que tout soit indissolublement lié, cela ne signifie pas que tout soit identique, que tout soit réductible à quelque chose d’unique (l’un, l’être, la substance, l’esprit, la matière, et caetera). Cela signifie plutôt que tout est de la même nature : une infinité d’êtres peuvent être de même nature sans pour autant être réductibles à quelque chose d’autre qu’eux-mêmes (cette nature qui est la même pour tout). C’est-à-dire : sans cesser d’être cette entité qu’ils sont. Tout en étant de la même nature que toutes les autres entités. Que je me sente indissolublement lié au monde, cela signifie que je comprends cette mêmeté de nature entre tous les êtres, entre tout ce qui est, existe, et que je me comprends moi-même comme compris dans ce monde, ni en-dessous, ni au-dessus, ni à côté, ni à part. La nature de ce lien n’est pas une relation d’appartenance, mais d’identité dans la différence : je suis comme tout ceci (et par tout ceci, j’entends tout ce qui est, existe) mais je ne suis pas tout ceci ; tout ceci est comme moi, mais tout ceci n’est pas moi. Je suis comme mon voisin, mais je ne suis pas mon voisin. Je suis comme la pierre, mais je ne suis pas la pierre. Je suis comme l’arbre, mais je ne suis pas l’arbre. Je suis le même que l’autre, mais je ne suis pas identique à l’autre. Ce matin, après être allé courir 9 kilomètres et avoir fait des exercices de gainage qui annulent mal les effets déplorables de certains de mes excès, je me suis assis, j’ai fermé les yeux et j’ai écouté sans rien analyser tout ce qui était en train de se passer. Pratique absurde, sans doute, et qui le serait en tout cas absolument si elle participait de ces croyances orientalistes débilitantes dont certains l’accompagnent (comme ce type qui explique sans rire qu’après avoir médité dans un monastère en Thaïlande, il a senti chacun de ses poils de barbe, preuve selon lui qu’il avait connu l’éveil), mais qui m’a semblé nécessaire à ce moment-là non pour comprendre le fait que je sois compris dans le monde, mais l’expérimenter. Expérience du monde dont je ne suis pas exclu. Du monde auquel je ne suis pas étranger. Acquiescement à tout. Donc à ce que je suis idem. À ce qu’il m’arrive de détester. Au bruit du moteur de la voiture comme au cri de la mouette. Sans exception ni exclusion, la vie.

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