Couru 5×9=45 kilomètres cette semaine. Les 2 ou 3 derniers dans une sorte d’épuisement, comme si j’étais en train de me vider de moi-même, à la fois délicieuse et douloureuse. Vers la fin de la matinée, apercevant la teinte blond décoloré de la vendeuse de la boulangerie, j’ai fait demi-tour. Pas envie d’avoir ce genre de relations avec le monde. Enfin, le monde. Avec Marseille. Même si, du point de vue de la ville où l’on vit, c’est à peu près la même chose. Marseille : antique cité grecque devenue dépotoir peuplé d’êtres vulgaires et imbéciles, qui ravage avec une détermination infaillible son territoire sublime. Toutes les fins d’après-midi, allant chercher Daphné à l’école, je contemple le spectacle de cette salissure généralisée. Comment peut-on à ce point détester son monde ? Comment peut-on à ce point se détester soi-même ? Emballages macdos partout qui jonchent le sol de leur présence répugnante. Goût de vomi dans la bouche rien qu’à la vue. Le quoi de la consommation épouse à la perfection le comment d’elle-même. Tout semble chaotique, mais tout est en ordre. Malade, certes, mais en ordre. Est-ce que j’exagère ? Évidemment. Et pourtant, cette exagération offre une description adéquate de la réalité. Vérité du paradoxe. Gris. Le vent souffle. Regardant par la baie vitrée, je me demande si cette forme rouge que j’aperçois à la fenêtre de l’autre côté de la rue est un être humain ou un mannequin. Descartes chez les Marseillais. Je vais faire autre chose. Quand je reviens, elle a bougé. Être humain, ma sœur, ma voisine. Hier, ou avant-hier, je ne sais plus, pensant à quelque chose d’autre, je me suis demandé si le besoin de parler était inversement proportionnel à l’intérêt de ce que l’on a à dire. Et, me suis-je dit ensuite, peut-être que si un écrivain peut se passer de parler à ses semblables (qu’ils soient écrivains ou non), c’est qu’il est l’auteur de sa propre langue, qu’il est toujours dans le langage, qu’il n’en est pas coupé, qu’il ne s’en sert pas comme d’un simple outil pour dire quelque chose à quelqu’un, faire faire quelque chose à quelqu’un, il n’y a pas de distance entre l’écrivain et le langage. D’où la bizarrerie de toutes ses théories de l’ineffable, m’a-t-il toujours semblé, l’ineffable de quoi ? Je me confonds avec le langage : nous ne sommes qu’un. Je peux me passer de parler à quelqu’un, mais si je perds mon langage, je disparais. Pensées décousues. Peut-être pas. Je dirais plutôt : pensées cousues comme on pense, comme on respire, comme on vit. Désordre, mais en harmonie. Sain.

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