14.2.21

Fragments de rêves. Bribes bizarres. Des sentiments s’entrechoquent et résonnent d’un son vide. Intérieur. Est-ce que j’ai ma place quelque part ? Ou suis-je conduit vers une forme de nulle part ? Tout le monde semble avoir une idée fixe, bien à soi. Et moi ? Si l’on me posait la question, je répondrais le plus simplement du monde : même Dieu aurait pu être quelqu’un d’autre. Tout peut changer. Alors pourquoi s’imagine-t-on chaque fois vivre quelque moment définitif ? J’observe des voiles sur la mer plate, blanches. Le vent fait osciller doucement les branches. Le gris du ciel par endroits est troué de lumière. Y a-t-il un endroit sur terre que je pourrais aimer sans faille, sans distance, faire un avec le paysage au point que nous confondrions l’un et l’autre, fondrions l’un dans l’autre ? Mais pourquoi faudrait-il que je disparaisse ? Je concentre mon attention sur mes cuticules, tire sur un bout de peau avec les dents, m’arrête avant le premier sang. Il y a une tache plus claire sur le mur en face. Je voudrais la trouver belle, mais n’y parviens pas. Pas sa faute ni celle du blanc (encore), mais de ces textures hideuses, reliefs absurdes à la surface de la chose. D’où vient cette fascination pour la laideur, le kitsch, tout ce qui défigure un espace, brise un moment, rompt un équilibre ? La bêtise — le versant moral de la laideur (tout comme la laideur est le versant esthétique de la bêtise et le kitsch, en quelque sorte, le nom de l’ensemble que les deux forment) — la bêtise est une espèce invasive : il semble qu’elle finisse toujours par sembler normale alors qu’elle est l’origine du mal, la cause de l’absence de tout progrès esthétique et moral. Nous pourrions faire mieux, tellement mieux. Or non Nous sommes là, prisonniers de nos intérêts limités, rejouant sans cesse des saynètes obsolètes, mais confortables ; il suffit de se laisser faire. Pas la peine de penser. Variations sur des thèmes convenus. Je ferme les yeux un instant, respire calmement. Demain s’envisageant comme aujourd’hui, d’où vient que nous continuions de nous lever avec chaque matin ?