16.2.21

Gris sombre ce matin. Difficile de sortir de la nuit, à supposer qu’on le veuille. Gris d’après la pluie des nuages qui stagnent. Où demeurer, à supposer qu’on le puisse ? Pas de séjour, donc. D’un certain point de vue, tous les jours sont les mêmes. Et cette identité ne dit rien de bon. Or, du point de vue où ils sont toujours différents, les jours, ce qui s’y déroule les reconduit à l’indifférence. Pourtant, si j’essaie de comprendre d’où vient ce sentiment, je ne dirais pas de la tristesse. De la fatigue ? non plus. De la difficulté de s’extraire d’un songe, d’en extraire une essence plus exacte que l’ordinaire résidu. Lumière artificielle qui ne dissipe pas les doutes, mais les maintient dans une forme d’existence molle, laquelle s’attarde sur des ombres, masques auxquels on adresse cette paradoxale prière de nous sauver la vie. — Nous sauver de la vie. — Personne ne veut plus se bâtir un abri de livres. Labyrinthe en forme de bibliothèque au mitan duquel se tiendrait un chimérique monstre, inaccessible auteur de nos vies avant qu’elles ne passent à l’existence. Là-contre, nous courons, regards vides, après le lieu inaccessible où est entreposé le contenu de nos cerveaux. Un avenir mais pas de destin. Étrange idée du lendemain. À moins que ce ne soit l’inverse. Qui sait ? Parlent seuls les humains qui ont quelque chose à vendre. Oreilles sans écoute. Pareil à du bruit blanc. Je me frotte le visage dans le dessin d’ouvrir les yeux. Pas âme qui vive. J’entends des bruits qui viennent de l’au-delà, mais je fais trop bien la différence entre les oiseaux et les humains pour y croire. Certains jours, tout semble entrave. D’autres, en revanche, c’est simplement vrai. Qui est l’objet du délit sinon celui qui vit ? Tout le monde le montre du doigt, bête étrange, et qui pense. L’existence est le front d’une guerre binaire où s’affrontent l’expérience et le code.