J’ai décidé de ne pas mettre le nez dehors aujourd’hui. Même si mon rhume va mieux, j’ai dans l’idée qu’agir le moins possible me fera le plus grand bien. Demain, nous rencontrerons la directrice de l’école où Daphné devrait aller l’année prochaine. Ce sera bien assez tôt en matière d’action. Par la fenêtre, j’observe les cyprès et les pins. Ce sont les arbres qui bougent, leur cime certes, mais ils n’y sont pour rien, c’est le vent qui en est la cause, mais il n’y est pour rien, ce sont des zones d’air qui se déplacent, mais elles n’y sont pour rien, c’est la terre qui tourne, mais elle n’y est pour rien, et caetera. Jusqu’où pourrait-on remonter les chaînes de causes et de raisons ? Jusqu’au moment où l’on est trop fatigué pour continuer ? Et nous, où nous arrêtons-nous ? Notre époque, c’est à elle que je pense. À ce qui lui convient le mieux ? À ce qui est le plus proche d’elle ? Alors que c’est vers le plus lointain qu’il faut s’orienter pour trouver l’origine des phénomènes. Enrouler la chaîne des causes et des raisons et la dérouler. Dans un sens et puis dans un autre, et ainsi de suite, comme une manière d’exercice de gymnastique. L’explication la plus proche, celle donc qui a le plus de chances de convaincre le plus grand nombre, n’est pas la meilleure ; c’est la moins fatigante à trouver. Et comme elle permet d’emporter la conviction (une conviction fondée sur des arguments erronés est-elle une conviction ? le mystère est entier), personne n’a intérêt à aller chercher plus loin. Je vais rester chez moi aujourd’hui. Du dehors m’arrive tout ce dont j’ai besoin pour penser, tout ce dont j’aurai besoin pour dormir. Je me souviens d’un rêve que j’ai fait cette nuit (je crois que j’en ai fait un autre dont j’ai essayé de me souvenir dans la nuit mais sans le noter — en vain, manifestement). Nous devions nous rendre à un concert qui avait lieu dans une sorte de péniche, un ponton couvert sur une grande étendue d’eau. Je visualisais parfaitement la structure sur pilotis (ce n’était donc pas une péniche, mais bien un ponton) et, me rendant compte qu’il était très dangereux de rassembler un nombre si important de personnes dans un espace si réduit et si fragile, je me refusai à monter sur le ponton, et décidai de rester sur la partie en béton de la structure. J’étais en colère contre elle, mais malgré cette colère, j’envoyais un message téléphonique à Nelly pour lui dire de quitter le ponton. Ensuite, je me suis réveillé.

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