2.3.21

Que faire du bruit infernal des machines ? Et celui-ci vaut-il mieux que le silence du désert où ta voix se perd, où tu ne parviens même pas à la projeter ? Écho immédiat, mat, comme quand tu ne t’adresses qu’à toi, seul. À qui est-ce que je parle ? Tout le monde centré sur soi-même, à commencer par moi, comment pourrait-il en être autrement ? Sauf que. Non, cette phrase commence mal. Avançons quand même ce qui s’ensuit. Je n’ai jamais cru à la séparation. Que je tiens pour un sentiment du froid. Lequel préside à tout enfermement. Le ciel me paraît toujours si grand. Infini. Mais sans le sentiment correspondant de notre humiliation. Au contraire. Quelque chose de plus profond. Ne suis-je pas le ciel, moi aussi ? Et le ciel n’est-il pas moi, lui aussi ? Je tends la main, tourne la poignée, ouvre la fenêtre. Tout est là. De l’air. Mais le bruit aussi, plus fort, —implacable logique de l’industrie — que fait la machine à goudronner le béton, bétonner les dernières de nos illusions. Comment se fait-il que des êtres aient encore le courage de parler ? Je m’interromps un instant pour enlever la couche de poussière, fine mais indésirable au moment précis où je la vois, qui recouvre le plateau sur lequel j’écris. Bruit trop fort. Je me lève, tends la main, rabats la fenêtre de gauche à droite, tourne la poignée en sens inverse d’avant. La ferme. Rideau relevé, dans cet étouffement soudain (le son d’un piano enregistré n’y étant pas non plus pour rien), apparaît la colline vert sombre sur le fond gris clair de l’univers. Suis-je fou, imbécile, inconscient, médiocre ?