Des mois que je n’avais pas couru aussi vite que ce matin. D’où cette question que je me pose ensuite : pourquoi s’il y a une ligne à suivre, en dévié-je si facilement ? Est-ce un défaut de représentation de la ligne en question (s’imaginer que toute ligne est droite, par exemple) ou un défaut d’activation de la représentation que l’on a des choses que l’on veut faire ? Si le relâchement qui suit la tension occupe une plus longue période de temps que la tension qu’il suit, peut-on encore parler d’un relâchement ? Ne devrait-on pas plutôt parler d’un état stable entrecoupé d’un certain nombre de crises plus ou moins espacées dans le temps ? Toute la question, une fois que l’on est parvenu à stabiliser l’état que l’on désire, est de maîtriser les crises qui viennent le sectionner, de les accueillir en quelque sorte, non comme des ennemies, des péchés, mais comme des épiphénomènes qui ne peuvent pas ne pas survenir (une sorte de nécessaire effet secondaire) et qu’il ne s’agit pas dès lors de chasser à tout prix, dès qu’elles se présentent, voire avant qu’elles se présentent, mais d’accepter sans se laisser surmonter par l’apparence de facilité qu’elles dessinent à chacune de leurs apparitions. Le relâchement paraît ainsi plus confortable que la tension, mais ce n’est même pas une apparence : c’est la nature même du relâchement que de se donner comme plus confortable que la tension, comme le négatif paisible de la tension, détendu, alors qu’il n’est que le moment où, la tension baissant, quelque chose se produit qui tend à empêcher de revenir à l’état de tension le précédant. On retrouve ici la différence entre une discipline intériorisée (produite par la culpabilité) et une discipline interne (produite par soi-même), différence qui peut être présentée de la façon suivante. (di) La discipline intériorisée repose sur la culpabilité (religieuse ou sécularisée, peu importe, elle a toujours la même nature), laquelle induit des comportements obsessionnels chez l’individu qui se surveille en permanence pour s’assurer qu’il n’enfreint aucune des règles qui lui sont imposées par le groupe auquel il appartient. L’individu n’étant rien sans le groupe, il est impératif qu’il suive scrupuleusement toutes les règles au risque d’être puni par le groupe, voire exclu de celui-ci. (id) La discipline interne, partant de l’individu qui cherche un équilibre avec lui-même et le groupe avec lequel il entretient des interactions non-essentielles (en ce sens que ce n’est pas le groupe qui définit l’individu dans sa singularité), induit des comportements expérimentaux dont le but est de réaliser de la façon la plus enrichissante possible l’équilibre nécessaire entre les différentes aspirations qui sont les siennes, y compris en fonction de la contrainte qui veut que personne ne soit isolé, seul au monde. L’individu étant quelque chose sans le groupe, il n’accepte pas de règles qui s’imposent de façon arbitraire à lui, il est impératif qu’elles aient du sens et, si tel n’est pas le cas, elles doivent être rejetées.

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