195/421 vers dans le livre Γ de mes Ruissellements. Toutes choses préliminaires par ailleurs. 46,318289786223278% si j’en crois la machine à calculer 15 chiffres après la virgule. Hier, avant de m’endormir, j’ai eu l’idée de deux vers que je viens d’essayer de retrouver sans y parvenir, deux vers qui, placées à la suite d’un troisième répété une troisième fois, devaient donner un nouveau souffle au poème, l’emporter vers une nouvelle direction. Or, ces deux vers dont je viens d’essayer de me souvenir, je ne parviens pas à me les rappeler. Ils m’échappent. Un peu comme s’ils étaient là et s’enfuyaient dans le même mouvement. Mais ce mouvement, dans quel sens va-t-il ? Se rapproche-t-il de moi ? Me fuit-il ? Question à se poser : une phrase, un vers (ou plusieurs), une idée (ou plusieurs, peu importe) qu’on ne parvient pas à mémoriser à moins de la noter par écrit ne mérite-t-elle pas d’être oubliée ? Peut-être, oui, mais alors à quoi sert l’écriture ? Autre question plus intéressante : à quoi sert l’écriture pour un écrivain ? Et celle-ci encore : une forme qui ne s’interroge pas elle-même en se formant n’est-elle pas qu’une chose informe qui s’ignore (ignore qu’elle est informe) ? Pour une forme, s’interroger sur ses conditions de possibilité et d’effectibilité n’est pas simplement une des façons dont un moment historique se manifeste (la modernité) à travers elle, c’est pour elle sa condition de possibilité et d’effectibilité en tant que forme et tant que forme différente d’elle-même, en tant qu’informe, c’est-à-dire : en tant que forme plastique. À défaut de cette interrogation, la forme inconsciente d’elle-même se condamne à se répéter dans un mutisme bavard — le mutisme du genre, de la mode qui renforce les assertions tautologiques de son époque. Une telle forme est sans histoire, elle se condamne à se consommer immédiatement. Comme qui écrit un roman sur le tard, dans un souffle qui semble dire « enfin ». L’indication en caractères plus petits d’un genre sous le titre écrit en gros vaut accomplissement. Preuve du labeur. La forme est une fin en soi. Elle ne signifie rien. Elle est le dogme qui précède l’auteur indifférent. Elle fait autorité pour qui lui obéit. J’ai beau chercher, je ne sais pas. Est-ce de là que viennent parfois ces phrases que l’on pense déjà connaître par cœur, n’en être pas l’auteur, de toutes celles que l’on a inventées une nuit avant de les oublier ?

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