2.5.21

« Je suis imbécile ». J’aimerais bien cesser de me répéter cette phrase. Tout à l’heure, je suis sorti marcher, jusqu’à la mer, pour essayer d’en faire le tour et, à un certain moment, au bout d’un kilomètre peut-être, il m’a semblé que j’étais en train d’y parvenir. À présent, cependant, je ne sais plus. J’ai mal au dos, je suis fatigué, je voudrais dormir jusqu’à l’instant où, dans une sorte d’illumination de pénombre, je trouverais une autre affirmation pour répondre à cette question à laquelle je réponds en me disant que je suis un imbécile. Mais ce moment n’arrivera jamais, n’est-ce pas ? J’ai dressé la liste des choses qui avaient le plus d’importance pour moi et tout était tellement clair qu’il y avait quelque chose d’aveuglant, de paralysant dans cette évidence, comme si tout ce que j’avais à savoir je le savais déjà et que, toutefois, cela ne me permettait pas d’agir, comme si toute pensée se terminait chez moi dans l’oscillation lente de mes bras ballants. Je sais ce que j’ai à faire et n’en fais rien. Absurde. La relecture, enfin l’idée, l’idée de la relecture de ma traduction me plonge dans une angoisse rare. Je suis d’une médiocrité absolue. Ne comprends pas pourquoi j’accepte de traduire des choses qui me dépassent complètement, auxquelles je ne comprends strictement rien. Tout ce que j’entreprends, ainsi, s’achève dans une sorte de bouillie répugnante, indigne. J’ai des ambitions beaucoup trop hautes pour les capacités plus que modestes qui sont les miennes. Je ferais mieux de m’enterrer, de ne plus penser à rien, de renoncer à agir, et de me consacrer à des activités purement insignifiantes, sans envergure aucune. Que suis-je, en effet, sinon un vil imposteur ? Nulle affectation dans ce walserisme. Tout est clair. J’essaie de m’étirer pour me débarrasser de cette douleur dans le dos. Je me la suis causée en me lavant les cheveux hier, avant d’aller déjeuner chez mon père avec Nelly et Daphné. Preuve supplémentaire de mon imbécilité. Même ma mort sera stupide, me dis-je, un banal accident domestique, quelque chose de médiocre. Comment pourrait-il en être autrement ? Rien envie de dire de plus. Assez.