11.5.21

Il faut que je vide, que je fasse le vide, que je me vide. Je suis trop plein, je me remplis trop. Trop de tout. Trop de trop. Tant que tout ce tout finit par n’avoir plus le moindre sens. ∀=ø : tout égale rien, l’équation ne nous est-elle pas trop familière ? Qui le peut, doit inventer son propre ordre cosmique et y conformer ses désirs. Inventer, ce verbe où il faut toujours entendre cet autre de découvrir. Découvrir (donc) l’ordre du monde et y intégrer l’ordre de mes volontés. Se lever dans le brouillard et le dissiper. Ceci n’est pas une métaphore. Je sens encore la course que j’ai faite tout à l’heure, mon corps me semblant encore en train de courir. Ou est-ce la seule activité qui me convienne vraiment ? — La seule activité, j’entends : le déplacement. — Une immobilité parfaite ne se confondrait-elle pas avec le mouvement du monde ? Et un mouvement accompli n’épouserait-il pas le geste lent d’une paupière qui s’ouvre et puis se ferme (et puis s’ouvre et puis se ferme et puis s’ouvre et puis se ferme et puis s’ouvre et puis se ferme et puis s’ouvre et puis se ferme et caetera à l’infini) ? Si je me concentre sur le murmure automatique de mes propres idées, si je l’écoute pour tâcher de les discerner les unes des autres, combien de pensées parasites vais-je y trouver (traces de bruit blanc, idées imposées par la force de l’autorité, équivoques de la majorité, vibrations qui persistent de l’acte de résister, encyclies de l’effort) et de combien pourrais dire que ce sont les miennes ? Et celles qui ne sont pas les miennes et dont je ne veux pas, combien puis-je parvenir à les faire taire ? Pourquoi ? Pour que je puisse parler. Pour que je parle enfin, moi.