Le pire : chercher quelque chose à dire. Dimanche, dans un état à demi second (est-ce un état quart ?), j’ai lu un article détaillé consacré à la fortune d’un intellectuel millionnaire. Et ce que j’ai trouvé indécent dans cette histoire, ce n’était pas la fortune en elle-même, fortune que je crois, d’un certain point de vue, j’aurais pu envier parce que sa possession aurait mis un terme à un certain nombre de problèmes que l’existence me pose, pas la fortune, mais que, malgré cette fortune, on trouve quand même le courage de faire la morale au monde entier. Posséder une fortune qu’on a héritée de son père, cela n’a rien d’immoral ni de moral, mais employer sa fortune pour faire la morale, voilà qui est immoral. Deux fois, si j’ose dire. Serait-ce la preuve que rien, jamais, ne peut éduquer l’être humain ? Que rien ne peut le rendre bon ? Ce qui ne signifie pas qu’il soit mauvais, non. Non, qu’il n’est ni bon ni mauvais : qu’il fabrique ces approximations grossières (le bien et le mal) pour dominer les autres qui, plus pauvres que lui, ont de surcroît la bêtise de croire en lui, dans le seul but d’accroître sa domination. Quitte à mentir, quitte à raconter n’importe quoi, quitte à nier l’évidence, quitte à encourager des guerres hypocrites, quitte à ne pas savoir lire (ce qui est bien pire encore). Si j’entrais en possession d’une telle fortune, hypothèse émise par impossible, je crois que je ferais tout pour éviter une quelconque publicité, je cultiverais avec passion le secret, la distance, la jouissance, je rechercherais le paradis, quoi. Je ne peux pas comprendre qui n’en ferait pas autant. Enfin, je ne le peux pas, ce n’est pas que je ne le puisse pas, non : je ne veux pas comprendre qui n’en ferait pas autant. Qui n’aime pas le paradis, ne mérite peut-être pas de vivre. (Je mâche cette dernière sentence avec prudence, et me décide finalement à la maintenir inchangée.)

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