9.6.21

Face au flux continu d’informations que lui injecte le monde social, que peut l’individu ? Je suis seul de toute façon, non ? Nous sommes seuls face à l’incohérence. Si je cherchais dans un abri conçu à cet effet, un habitacle hermétique au dehors social, de la forme d’un bunker antiatomique, d’une cabane ou d’une maison avec un jardin planté de figuiers et d’orangers, aurais-je la vie sauve ou ferais-je bêtement semblant d’exister quand même ? Mais qu’est-ce que cela veut dire, quand même ? Devrais-je dès lors me terrer dans le silence ? Une illusion de plus, un mensonge de plus, lesquels ne changeraient rien, toutes ces tentatives ne faisant jamais que compliquer des choses déjà si compliquées, trop compliquées, ou simplifier des choses si simples, trop simples : parvenues à un certain point, simples ou compliquées, les choses sont la même chose. On ne fait plus très bien la différence, pas même entre une chose et son contraire. Qu’est-ce que le contraire d’une chose ? Une autre chose. Quelque part un grand écrivain publie encore une tribune pour raconter toujours la même histoire. Vieille rengaine entonnée une énième fois de trop, usée mais dont personne ne semble se lasser. Ou alors, nous sommes tous si las que nous ne supportons plus les émotions vraiment intenses, nous ne jouissons plus que sur commande, à la condition expresse que l’émotion ait préalablement été homologuée par le monde social, comme penser : pas question d’avoir une pensée qui n’aurait pas déjà été pensée, et dont la pensée même en tant que possibilité n’aurait pas fait l’objet d’une autorisation préalable. Et moi, qui n’ai pas envie de savoir qu’il existe, ce grand écrivain à la laideur qui défigure, je me sens encore plus seul, encore plus perdu, peut-être, bien que perdu ne soit pas ici le mot le plus précis : suis-je perdu parce que je ne sais où aller ou le suis-je parce que je sais où je veux aller mais ne trouve pas le chemin ? Comment suis-je alors, perdu au sens 1 ou perdu au sens 2 ? Pas la moindre idée. 3 vers dans le Canzoniere de Pétrarque : « Qual vaghezza di lauro, qual di mirto ? Povera et nuda vai philosophia, dice la turba al vil guadagno intesa. » (7.9-11)