23.6.21

Il faut être imbécile pour croire en quelque chose et inconscient pour ne croire en rien. N’est-ce pas les réflexions de ce genre qui nous confinent à la folie ? Et sur lesquelles, cela ne fait guère de doute, il faudrait ouvrir son opus magnum. Tisser la grande œuvre à partir de cette folie qui se trouve chaque jour au cœur même de notre expérience du monde, des autres, de la vie. Entre qui se fait jouir à l’annonce catastrophique de la fin du monde et qui s’extasie dans la contemplation yogique de son rectum, il n’y a pas vraiment de choix : tout ceci respire l’ennui à pleins poumons, comme si l’on s’agitait parce qu’il faut bien vivre, mais sans vitalité vraiment, simplement par habitude, par convention, voire par acquis de conscience. Mais conscience de quoi ? Le mystère reste entier. Comment se fait-il, par exemple, que personne ne parle de ces gens dont l’existence prouve à elle seule que la vie mérite d’être vécue, mais que le énième crétin qui trouve un moyen tout neuf de salir le monde se voit décerner le titre honorifique de héros du progrès, que la énième buse qui découvre, au cours du premier quart du XXIe siècle, l’existence de l’agriculture et de l’élevage soit tenue pour le chantre des droits humains et des animaux (lesquels, comme chacun sait, sont des êtres humains comme les autres) ? Bref, comment se fait-il, disons les choses ainsi pour simplifier, comment se fait-il que la bêtise fasse toujours plus de bruit que l’intelligence, la laideur que la beauté, la bassesse que la grandeur ? Et comment faire, en outre, pour ne pas venir inlassablement se fracasser contre le mur de ce scandale de la raison sans cesse renouvelé : c’est toujours le pire qui se produit ? Car, quand même autre chose se produirait, on n’en parlerait pas : qui pourrait bien vouloir perdre son temps avec quelque chose qui ne fait pas vendre ? Aussi, chaque jour, c’est le défilé des nains boursouflés, des cosmonautes du dimanche, des inventeurs de nullité, des scieurs de branche, des maîtres chanteurs, des dieux bateleurs, des idoles des gogos. Et chaque jour, ce spectacle est un peu plus tragique, un peu plus comique. Cela me fait penser qu’hier, au moment de m’endormir, un moustique s’est mis à me tourner autour et à me piquer. Je l’entendais, mais ne le voyais pas (pour cause, la lumière n’était pas allumée). Et moi, qui voulais dormir, qui ne voulais l’allumer, la lumière, tout ce que je trouvai de mieux à faire, pour me débarrasser de cette sale petite bête nuisible, fut d’essayer de l’écraser à l’aveugle, ce en quoi je ne parvins à rien sinon à me mettre des baffes à moi-même, multipliant par deux et la douleur et le désagrément, sans jamais trouver le sommeil. Mais ceci n’a rien à voir avec cela.