Carcasse de pigeon sur la fausse terrasse. La machine à souffler achève le paysage. Comme un nez cassé au milieu de la figure. Après avoir passé deux jours couché dans mon lit, ce matin, je me suis enfin levé, et j’ai fait le ménage dans la maison. Célébration de la vie. Je ne sais ce que je déteste le plus : la croyance au progrès ou son apparence. Il pourrait y avoir un progrès moral, ce n’est pas une impossibilité logique : le fait qu’il n’y en ait pas n’impliquant pas qu’il ne puisse jamais y en avoir, mais pire que son absence, qu’on fasse passer le saccage systématique pour une avancée irrésistible vers plus de lumière m’est insupportable. Je survis au milieu des illusions et des faux-semblants. Comme celle d’un homme (ou une femme, cela ne fait pas de différence, disons donc une femme), comme celle d’une femme qui, masquée, prétendrait qu’elle ne porte pas de masque. Tout le monde pourrait voir que ce qu’elle prétend est faux : le masque imite mal (grossièrement) le visage humain, les coutures sont visibles (apparentes). Or, face à la force répétée de ses affirmations, tout le monde finirait par croire qu’elle ne porte pas de masque, et que tel est son vrai visage. Ainsi, au bout de quelques années, tout le monde finirait par porter un masque, lequel deviendrait, malgré son apparence grossière, le vrai visage de chacun, personne n’ayant plus le souvenir d’avoir jamais vu un être humain ne portant pas de masque. Dehors, tout à l’heure, le bruit de la machine à souffler se sera tu. Rendant aux insectes estivaux la propriété du champ chromatique. Grésillement entre deux zones de bleu ouvertes au vent. La bêtise n’ayant pas de limites, l’intelligence, qui en cherche constamment quitte à les dépasser ensuite, art de la distinction, semble toujours infiniment petite face à elle. Et souvent, même, n’est pas sans en concevoir quelque honte. Accomplissant ainsi l’œuvre barbare de la bêtise.

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