Qui sont les vraies poètes sinon les cigales ? Même quand on les découvre, par terre, écrasées par un pied, une roue cruelle. Qui d’autres qu’elles ? Tout le reste n’est qu’insignifiant et insipide bavardage. Pourtant, que représentent-elles sinon cet insupportable kitsch folklorique avec lequel on peuple le monde d’endroits où se sentir partout chez soi ? Je regarde le ciel et l’aveuglante pâleur d’un songe estival et pense que j’ai de la chance d’être en vie, de la chance de vivre cette vie-ci. Je n’en voudrais pas une autre, non, pour rien au monde. D’ailleurs, je ne juge personne, je suis à l’aise dans cette vibration permanente, crissement continu du rêve, sorte de bruit que fait l’esprit à l’œuvre. Je ne suis pas sourd pour autant : j’entends derrière, devant, partout, les gravas sonores de la ville, matière morte qu’émettent les hommes quand ils sont las de vivre ou contraints de vivre. Je ne suis pas aveugle : omniprésente, je vois la laideur, les pieds sales du fumeur de joint assis à côté de son scooter de livreur, délivrance trop courte pour être vraie, pour être belle, pour être juste, rien qu’en effacer un peu le temps d’oublier, car oui, on peut vouloir oublier sa vie. Je ne suis pas fou, non, je désire l’antique silence dans lequel dut résonner un jour le chant pur de qui ne dira jamais mot mais toujours signifiera. Qui ne le comprend ? Et qu’ai-je à dire, moi, à qui ne le comprend ? Sous le soleil sans faille, gouttes de sueur qui ruissellent le long de la colonne. Si j’écrivais une histoire naturelle de la vérité, je la ferais commencer ici. Et s’achever aussi. Tout doit revenir au point où quand. Le début la fin : il faudrait faire un geste de la main pour signifier le mouvement, pas tout à fait clos sur lui-même, que la figure géométrique énoncée viendrait refermer dans une définition trop brutale. Non, les choses ne finissent pas comme cela. Qui a dit, d’ailleurs, qu’il devrait y avoir une fin ? Un instant de suspens, et voilà le tympan transpercé par leur affirmation muette.

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