Laisser-aller : je ne sais pas si c’est l’expression qui convient, mais l’action, elle, oui, ou la non-action, devrais-je dire plutôt, ce laisser-aller se confondant par bien des aspects avec un farniente qui n’hésite pas à dire son nom. En fait de faire, oui, il faudrait faire quelque chose, mais je n’en ai pas la force, pas l’énergie, aussi décidé-je, pour accompagner le cours des choses, de me fondre dans le lit du fleuve où coulent les choses, de ne rien faire, ou de ne pas faire grand-chose, bref : de me laisser vivre. Une semaine, après tout, ce n’est pas si long, et il y a tant de choses à faire à ne rien faire, laisser les choses se faire pendant notre absence. Des plans — des projets, si tu veux —, des plans, j’en fais, pour après, la semaine suivante et celles qui viendront après : moins une matière qu’une méthode parce que des sujets, ce n’est à la fois pas ce qui manque et pas ce dont on a besoin pour écrire. Hier, j’ai découvert d’un air ahuri qu’un éditeur qui officiait déjà quand je travaillais encore comme sous-fifre dans l’édition allait publier un nouveau livre de plus à la rentrée littéraire chez un éditeur indépendant — selon la formule consacrée pour désigner ces maisons qui n’ont pas grand-chose d’indépendant, mais font comme tout le monde avec moins de réussite que les maisons riches qui, elles, quand elles font comme tout le monde, gagnent de l’argent. Et là, du haut de mon ahurissement, je me suis interrogé sur la raison qui pousse ce genre de types, genre de types qu’on ne peut tout de même pas qualifier d’écrivains, des types qu’on aurait qualifiés jadis d’hommes de lettres, la raison qui pousse ce genre de typesà déjecter à intervalles réguliers des petites choses de taille constante (entre 150 et 250 pages) qu’on s’acharne à appeler romans alors qu’elles n’ont rien de romanesque, mais tout de grotesque (si le dire, ce n’était pas faire injure au charmant ornement qui porte ce nom). Bref, je me suis interrogé du haut de mon air ahuri et, comme je n’ai pas envie de me plonger dans le bain acide de l’aigreur, je n’ai rien répondu du tout à cette interrogation, me contentant de me dire que, cette semaine, c’est décidé, je ne ferai rien, on verra la semaine d’après, quand j’aurai laissé le désordre envahir mes idées, ce qu’on peut en tirer. Pas une matière, donc, une méthode. Depuis le matin, bruit assourdissant des cigales sur fond de ciel gris aveuglant.

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