Je découvre que l’architecture de mon poème-carnet et celle d’un fil de réseau sont isomorphiques. La structure linéaire de l’un étant symétrique à l’autre, je décide de constituer ce fil à partir des phrases notées dans mon carnet. Les phrases de l’un et les phrases de l’autre se suivent, en tant que sens, en tant que forme linéaire qui se déroule, les unes à la suite des autres. Que le poème-carnet soit antérieur quant à sa rédaction au poème-fil (rédaction qu’il reproduit à l’identique), cela constitue l’histoire du poème, mais n’entraîne pas de modifications quant à son sens (pas plus que ne le ferait une deuxième réplique de ce poème-carnet sous la forme, par exemple, d’un poème-livre, ce que j’envisage de faire par ailleurs, à supposer que je parvienne au bout du carnet où s’écrit le poème). Ainsi, pour dire les choses plus pompeusement encore, se trouverait confirmée mon idée selon laquelle il n’y a pas de différence entre les media (papier, numérique, etc.), tout ce qu’il y a, j’allais dire : « c’est de la littérature », et puis j’allais dire : « c’est de l’écriture », mais non, tout ce qu’il y a, ce n’est même pas cela, en fait, toutes ces abstractions enflent inutilement le nombre des êtres (même l’idée d’écrivain, ou son pendant tout mou du quartier latin, l’auteur), tout ce qu’il y a, c’est un être qui écrit. Je regarde, les yeux ébahis, les gesticulations d’un auteur (ou écrivain) devant une caméra et, si je comprends un à un tous les mots qu’il emploie, si je comprends un plus un le sens de toutes les phrases qu’il forme avec ces mots, je ne comprends pas ce qu’il fait, pas pourquoi il le fait, je ne comprends pas pourquoi il se tient là devant cette caméra, pourquoi il faut que tout se transforme en cette sorte d’exhibition ridicule, symptôme peu ragoûtant d’un temps peu avenant. Si je ne comprends pas, n’est-ce pas que le problème, c’est moi ? Or, si le problème, c’est moi, n’est-ce pas que la solution, aussi, c’est moi ? Un grand désert s’étend entre les êtres. Il arrive parfois qu’on parvienne à le parcourir pour rejoindre l’un de ces êtres ou, parfois, que l’un de ces êtres vienne à soi. La plupart toutefois, ne nous apercevons-nous pas de la distance infranchissable qui nous sépare ? Ne nous étonnons-nous pas de la croyance absurde que nous affectons d’entretenir au sujet de cette distance, de la proximité fantasmée des êtres les uns par rapport aux autres ? Proximité fantasmée, dis-je, qui n’est jamais que la projection de notre désir de voir tous les êtres nous ressembler ou de devenir soi-même un autre, d’abolir la différence ou de nous abolir en elle. Combien sont grandes ces chimères comme est grand le désert. 14+7=21.

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