Moments de paix à Saché. Comme flottant dans cet océan de stupeur et d’imbécilité que nous traversons au prix d’un air hagard et perpétuel. Le bruit du vent qui souffle dans les branches des arbres n’épouse pas la voix de l’enfant qui joue avec bruit, mais nous trouvons tous un instant de répit, un repos parfait. Un peu plus tard, car rien n’est éternel, un garçon obèse se mettra à courir dans l’herbe du parc, comme un chien fou qui, découvrant soudain une apparence de liberté (sa maîtresse aurait détaché sa laisse un instant avant), s’enfuirait sans réfléchir avant de s’arrêter d’un coup, comprenant qu’il n’a nulle part où aller. Se retournant alors, il reviendrait sur ses pas, triste et résigné, mais convaincu d’une vérité nouvelle. Désespérante d’autant qu’irréfutable. Moment que nous aurons choisi pour partir. (Du καιρός, pour ainsi dire.) Même atmosphère que des années plus tôt quand Nelly et moi nous vînmes ici pour la première fois. Malgré la différence des saisons, même climat changeant que composent ce haut ciel gris et vaste, ces nuages de pluie que déchire le soleil, et qui embrasse à la perfection la beauté de cette région. C’est aussi la teinte de la pierre, sa pureté ancienne, la courbure des murs, leur justesse qu’une vue tire toujours de l’oubli. J’ai écrit trois poèmes aujourd’hui, dont un ici même, dans le parc du château. Assis sur une chaise longue, je regardais les branches des arbres bouger au gré du vent qui soufflait, me dissolvant dans les nuances de vert alentour, la voix de l’enfant dérangeant sans cesse ni fatigue l’impression bucolique, romantique, que le lieu aurait pu dégager sans elle, me tirait d’un abandon léthargique. La réalité se signifie toujours, c’est nécessaire. Sans ce retour, nous dériverions dans des paysages idylliques mais inexistants dont nous tirerait trop tard l’enseigne de quelque supermarché surgi de l’étalement urbain. Qui pourrait m’en vouloir de préférer à cette apparition déplorable la voix de mon enfant ? Qui le ferait, en tout cas, ne m’intéresserait pas. Je cite : « 3. (Saché) // Branches des arbres / bercées par le vent / la voix de l’enfant qui joue / se confond avec les murmures / de ces nuances de vert. »

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