31.8.21

31 août
les touristes désertent le rivage
dans ce vide soudain
un père de famille dort
sur la plage
domicile temporaire
de leurs vies mobiles
trois enfants plus un
sont présence incongrue
qui n’attire que regards brefs
sans commentaires
indifférence à peine dérangée
monstres
au milieu de nos existences perdues
vaines comme le temps
comme les plaies qui se referment
le sourire qui se fige
les traits qui se tirent
vers le bas
allongés au soleil
devenu plus pâle
de l’été qui va prendre fin
enfin
les touristes ont déserté le rivage
pour leurs séjours urbains
et après ce départ banal
régulier
moi
je prends le bain
puis regarde alangui
mon enfant qui joue
dans les flots
nymphe de ces lieux où
des corps nus sinon quasi
à défaut d’explication
agitent leur amoncellement
enfants sans parents
colonies de l’absence
à moins qu’une femme
dont la mère non
se voile
de la disparition
de la décolonisation l’histoire
à l’envers
sur le sable
qui sait ?
si mille avant moi n’ont pas tracé
la solution de l’énigme
depuis lors effacée par les tas et les pas
de nos semblables humains
édifices effondrés
chute sans empire
rien que d’habitude
or
ne sommes-nous pas des dieux
friables
sous nos chevelures de plastique ?
je plonge la tête sous l’eau
ferme les yeux sur l’autour
quelque chose qui vibre
se pourrait-il faire sentir ?
(est-ce la réponse à la question —
mais laquelle ?)
enfant moi-même
je ne pouvais m’immerger
cela m’était interdit par d’obscurs décrets
pesant sur mes oreilles
et fugue forcée
dans le noir tout à fait
des vapeurs dormitives
avec lesquelles
on me chassait de moi-même
pour opérer
ainsi
jadis
opposées
la mer et l’oubli
se rejoignent-elles
dans un sommeil plus profond
sorte d’écueil évité
d’un été en exil
tel héros marin
tel antique plongeur
ceci est ma tombe
ceci est mon temple.