16.9.21

J’essaie de me déstyler ou de me restyler, enfin de changer de style, quoi, pas dans l’écriture, dans l’écriture, c’est trop facile, dans la vie, en général. Dans ma façon de m’habiller, dans la façon d’aborder l’existence, les relations avec les autres. Pour l’instant, ça ne se voit pas trop encore, mais quelque chose est en train de changer, je le sens. Ce n’est pas que j’aie envie d’être un autre que moi, peut-être que j’ai envie, plutôt, d’être vraiment moi, mais qui c’est vraiment moi ? C’est cela qu’il faut que je découvre. Changer de style, changer de vie, bon, dit comme ça, évidemment, ça ne veut pas dire grand-chose, mais je sens ce que je veux dire. Je passe beaucoup de temps à regarder des vêtements, en ce moment, avec des gens dedans, je veux dire, un homme, notamment, qui n’a rien à voir avec moi, il est dessinateur au New Yorker, noir, grand, mince, il semble s’habiller sur mesure à Berlin (où, si j’en crois les images qu’il partage, l’un de ses amis est tailleur), vit à Vienne, mais il me fascine, probablement parce qu’il est tout sauf moi et que c’est ce que je voudrais être, parce que, peut-être, mon véritablement moi est tout sauf moi. C’est fou le nombre de types qui se montrent en train de porter leurs vêtements, pour une bonne part, il doit y avoir quelque chose de très érotique là-dedans, notamment les Italiens, enfin, c’est ce je me dis, d’autoérotique, des hommes qui passent leur temps à s’habiller, à caresser les vêtements qu’ils portent, des fétichistes du sur-mesure, mais ce type-là, celui du New Yorker, non, je ne trouve pas, enfin, c’est ce que je me dis, je n’en sais rien, il y a quelque chose qui me fascine dans cette élégance qui semble naturelle, la minceur, tout, alors que moi, je me trouve gros et mal fagoté, de toute façon, à Marseille, où depuis des semaines règne une chaleur étouffante, impossible de s’habiller dignement, tout ce qui est plus long que les manches d’un tee-shirt et les jambes d’un bermuda est insupportable. Est-ce de là que provient mon envie de quitter cette ville ? L’insupportable chaleur. Aujourd’hui, il pleut. Mais ce matin, quand je suis allé courir, la chaleur était encore pesante, moite au bout de quelques pas, complètement trempé au bout d’un kilomètre à peine, et tout le reste du temps passé à courir, je me traîne avec ce tissu détrempé sur le corps qui colle à la peau. Comment ne pas haïr un tel endroit ? Est-ce que c’est ça que j’appelle me déstyler : regarder un autre que moi et me dire : Tiens, je voudrais être comme lui. Mais je ne voudrais pas être comme lui, je voudrais être comme moi. Est-ce possible ? Je ne le sais pas. Presque pas dormi, cette nuit. Entre les pensées parasites, les idées noires, l’atmosphère irrespirable, les songes négatifs, je tourne et me retourne dans le lit sans trouver un endroit où je me sente bien et, quand je m’endors enfin, comme toujours, c’est déjà le moment de se lever. Sauf que je ne m’aperçois pas que je m’endors, sinon je ne m’endormirais pas, alors j’invente cette conscience du sommeil, alors je mens, je déforme la réalité pour la faire tenir dans une phrase, alors que c’est l’inverse qu’il faut faire, d’où cette phrase alambiquée, mais égale à la vie. Après le réveil, j’ai quand même la force. L’aspirateur est cassé, je passe donc le balai. Sors. Reviens. Depuis le mois dernier, j’ai perdu 5 kilos. Selon certains calculs, je suis à mi-chemin. Selon d’autres, je n’en ai rien à foutre. Selon d’autres enfin, tout est foutu. Mais ce ne sont là que façons de parler, me dis-je en buvant mon café — noir.