27.9.21

Nous n’avons rien à vivre. D’événements microscopiques, nous faisons des épopées destinées à être oubliées. Un hurluberlu jette un œuf sur le président de la République et la vidéo de la scène est diffusée dans son intégralité par les journaux, prétexte que prennent ensuite des millions d’imbéciles, qui n’attendent rien que pareille occasion de décharger leur petit foutre fielleux, pour avoir quelque chose à dire à ce sujet. Mais c’est faux. Tout comme nous n’avons rien à vivre, nous n’avons rien à dire. Le paradoxe, peut-être, le paradoxe, c’est que nous ne faisons même pas semblant, nous sommes convaincus d’avoir quelque chose à vivre, quelque chose à dire, incapables que nous sommes de nous rendre compte que nous sommes dans l’erreur, que l’ensemble de nos vies sont vécues dans l’erreur. Idée négative. Vue d’une certaine façon, c’est vrai, la vie est belle. Je ne dis pas le contraire. Il m’arrive même de le penser. L’ondulation des cheveux de mon enfant qui grandit, voilà une preuve que la vie est belle. Sauf que le dire, comme ça, tout bêtement, La vie est belle, tu sais, le dire a quelque chose d’effroyable, non que la phrase ne désigne rien, mais son sens, ce sens si simple, si trivial, est hideux. Le kitsch, qui est totalement le kitsch, incarne le mal, mais sa destruction tout autant : l’un et l’autre rendent la vie invivable car non proprement vécue. Nous vivons toujours quelque chose d’autre que ce que nous vivons. Des événements qui ne nous concernent pas et qui ne nous dévient pas simplement de notre chemin, mais nous rendent encore inaptes à vivre les événements que nous devrions vivre. C’est tout ce que j’ai à dire aujourd’hui. N’est-ce pas triste ? J’ai recommencé ma lecture d’À rebours aujourd’hui, que je n’étais jamais parvenu à lire, et que j’ai trouvé très beau. Peut-être parce qu’il épousait mon humeur à la perfection, mon désir d’être une île excentrique qui laisse tomber dans l’oubli le monde autour d’elle, mon éternel regret aussi de n’être pas né aristocrate héritier d’une fortune suffisante pour vivre dans le confort de la grande mesure. Peut-être parce qu’il est beau, tout simplement, peut-être parce que la vie est belle tout simplement. Ce soir, au coucher, le soleil semblait illuminer les nuages par en bas.