7.10.21

Comme je ne suis pas riche, je dois vivre avec l’imperfection, la médiocrité basse, l’à peu près. Pour être clair, je dois à la vérité de dire que cette imperfection, cette médiocrité n’ont rien à voir avec ce que peuvent être ma propre imperfection, ma propre médiocrité, lesquelles se manifestent au cours de sortes d’épiphanies négatives et se corrigent, du moins en théorie sinon toujours en pratique. Non, cet à peu près dont je parle, cette imperfection, cette médiocrité basse est celle du travail mal fait, bâclé, sans considération aucune pour l’objet qui devrait être l’œuvre, et ne l’est plus œuvre, mais chose repoussante, rendu vil et laid qu’il est par cette action mauvaise. Ce sont des coutures qui ne vont pas, par exemple, et qui ou bien ne sont pas tout simplement pas vues ou bien le sont mais sont négligées, par incompétence, malhonnêteté, inattention, laisser-aller, relâchement. Qu’est-ce que la richesse a à voir là-dedans ? La richesse, rien. Son absence, tout. Puisque l’absence de richesse interdit d’avoir accès à l’excellence, elle contraint à se contenter de ce qu’il y a, ne pouvant payer au-delà du raisonnable, il faut se satisfaire de moins que cela : l’approximatif, le quelconque, le raté, le de travers, qui n’apportent jamais la moindre satisfaction. Si la pauvreté peut sans doute posséder quelque vertu édifiante, c’est ce dont les prêtres ont fait leur fonds de commerce en tout cas, la moyenne au sens de la classe moyenne, elle, cet entredeux qui n’a même pas le courage du nini, ou alors par défaut, faute de mieux, dirais-je, non, même pas, elle n’est même pas rien, elle n’est que presque rien : si elle n’a ni vertu ni vice, c’est qu’elle n’en a pas les moyens, sa morale étant celle du pré carré, de la défense de ses petits intérêts égoïstes, et son libertinage, celui de la partouze grossière, de l’application de rencontres pour forniquer. En vérité, la classe moyenne n’a aucune classe — ni société ni élégance, elle fait de son moins bien avec ce qu’elle peut, ce qui lui tombe sous la main, pas grand-chose, pas très beau, d’où ces spectacles débiles érigés en œuvres d’art, cette anticulture dénaturée en culture, cette faiblesse de caractère tournée en mœurs à force de contorsions sémantiques. La richesse, dans les poches des riches qui la détiennent aujourd’hui, pourtant, que produit-elle ? Rien que de la vulgarité, rien que de la laideur. Jeff Koons roi du pétrole. Le problème, donc, le problème, ce n’est pas l’argent, c’est l’usage qui en est fait. Le problème, ce ne sont pas les pièces, mais les mains dans lesquelles elles tombent. Et que ne sont-elles dans les miennes, de mains, ces pièces. Je donnerais à la perfection, à l’excellence, à l’élégance, à la justesse, à la beauté un sens nouveau.