J’allais commencer cette page par l’expression : « Le problème, c’est que » suivie de la description du problème en question, je ne sais pas lequel, il y en a tant, mais non. Je n’ai la tête à rien. Frivole ? Pas du tout. Aujourd’hui, hier, demain, je ne sais pas trop, je manque de constance, ou bien j’ai de la constance dans le rien, pas même l’inconstance, je vais courir le matin, c’est vrai, mais en matière de discipline, j’ai beau prétendre le contraire, c’est un peu limité, je trouve, c’est-à-dire que oui, c’est bien une discipline, mais si elle n’est pas autotélique au sens propre du terme, non, elle n’est pas bonne à grand-chose. Je me maintiens par là, mais dans quoi, à quel niveau ? Peut-être que même Dieu ne le sait pas. On ne pourra pas dire de mon œuvre Il aura couru, ça ne veut rien dire, j’entends : ce n’est pas suffisant pour se voir décerner le prix Nobel. D’autant que oui c’est vrai je l’ai déjà dit, il n’y a pas d’enjeux dans ce que je fais, rien de ce qui compte pour les gens qui vivent à mon époque : — je ne défends les droits d’aucune minorité — je ne cherche à redresser les torts faits à aucune espèce en danger — je n’ai pas d’idée géniale pour sauver la planète — je ne prône pas la libération par les attouchements extracoïtaux — je ne milite pas pour le véganisme décolonial féministe intersectionnel — je ne prêche pas pour la pratique d’une obscure religion assise — pas plus que je ne dénonce en bloc l’aliénation que représentent les religions en tant que telles — en plus l’écriture inclusive, je trouve ça bête et laid, une insulte faite à l’intelligence, mais de l’intelligence, ses promotrices et ses promoteurs n’en ont pas le début de l’idée, et, de ces faits-là, enfin, de tous ces faits négatifs, il s’ensuit que ce que je fais ne vaut rien. Nib. Que ces prétendus engagements ne soient que des manières plus ou moins subtiles d’asservir un peu plus les gens, en réalité, eh bien, en réalité, je l’ai déjà dit aussi, et le fait de me le répéter à moi-même comme je suis en train de le faire, ce fait supplémentaire me fatigue. Hier, quand j’ai relu le premier chapitre de la vie sociale, même moi, je ne parvenais pas très bien à savoir si j’étais sérieux, et cette indétermination est peut-être une des données du problème, pas celui dont je m’étais dit que j’allais parler, je l’ai déjà oublié, enfin, non, mais je devrais l’oublier, l’indétermination suscite la pensée, pas des phrases définitives, définitivement absurdes. Sauf que ça ne rapporte pas, la pensée, l’indétermination. Ça ne paye pas. Ça n’a jamais payé. C’est dommage, en tout cas, moi, je le déplore, c’est bien dommage que je ne sois pas riche, mais ce n’est pas étonnant. Et puis, soyons sérieux, qui donnerait un prix d’un million d’euros à quelqu’un qui dépenserait une grande partie pour s’habiller sur-mesure (Ça fait combien de costumes en grande mesure, un million d’euros ? Pas énormément. Pas énormément.) J’exagère, ce n’est pas ce que je ferais avec, non, je saurais me montrer responsable, digne de l’honneur que l’on me ferait, insigne, naturellement. Je me répète. Je crois que c’est cela qui m’embête le plus, que je me répète. Le reste, c’est secondaire. Mais quand on y pense un peu sérieusement, j’entends : en prêtant un peu attention à l’objet réel de sa pensée, on s’aperçoit que Baudelaire, déjà, n’a rien fait que se répéter, que Musil, aussi, n’a rien fait que se répéter, que, quand il a trouvé de quoi parler, Pascal, idem, n’a rien fait que se répéter, alors de quoi faudrait-il que j’aie peur ? Des oiseaux qui de mer qui s’époumonent dans le ciel ? Soyons sérieux.

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