16.10.21

Daphné est d’accord : sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde. Façon plus ou moins distinguée de dire qu’un théoricien du déclin quelque peu sérieux devrait être capable de dater avec précision les étapes dudit phénomène dans la mesure où il ne devrait pas s’agir de vitupérer, de mettre à l’index crasseux, mais de documenter avec science un processus qui se déroule dans le temps et qui, s’il ne l’est pas, peut sembler n’être qu’une vue de l’esprit malade, acariâtre, atrabilaire, tout ce que l’on voudra. Vatican II. Pas plus que Georges, me rétorquera-t-on, pas plus que Brassens, je ne vais à la messe, c’est vrai, mais ce n’est pas une raison. Je pourrais tout à fait y aller. D’autant que la culture n’est pas l’apanage d’un cénacle, d’un cercle restreint, elle appartient à qui l’étreint. Mais n’est-ce pas justement ce à quoi tendait la fin de la messe en latin : élargir le cercle des fidèles en rendant accessible (toujours le même fantasme de la démocratisation) ? Oui, — avec les résultats qu’on connaît. Si la culture, je crois que c’est ce que je veux dire, si la culture n’est pas l’exclusive d’un petit club imbu de ses privilèges, peut-elle cependant survivre sans faire l’objet d’un culte ? Non, et le fait que notre époque multiplie les rituels semblerait le prouver, par la négative, en quelque sorte : comme il n’y a plus de culture, comme il n’y a plus de culte, on fabrique des rites microscopiques pour survivre à la déshérence du sens. Car oui, c’est ce que je crois (décidément, quelle foi), il y a bien encore un sens, mais il n’a plus d’héritiers. Ce qui nous porte un pas plus loin que Char : ce n’est pas que notre héritage n’est précédé d’aucun testament, mais qu’il n’y a plus d’héritage. Que ferions-nous dès lors d’un testament ? La messe en latin était le testament, sa fin n’est pas la pathologie, mais le symptôme de ce dont nous sommes déshérités. Nouveaux souliers, ampoules aux pieds.