Qu’ai-je de commun par exemple avec cet homme dont j’ai croisé le regard sur le trottoir cependant que, selon toute apparence, il était en train d’uriner et de déféquer accroupi dos à un arbre entre deux voitures ? Quoi ? Tout ? Rien ? Tout et rien ? Rien du tout ? C’est un sentiment étrange. Pas de croiser son regard, non, croiser son regard pour s’apercevoir de ce qu’il est en train de faire, c’est simplement désagréable, non, c’est un sentiment étrange de se dire que l’on partage tout et que l’on ne partage rien avec cette personne, et que c’est cela, le propre de l’humanité, cette concomitance du tout et du rien. En un sens, c’est vrai, tout s’annule devant une scène de ce genre, non en raison de la scène même, mais de ce qui s’y joue, cet avilissement qui nous touche de si près qu’il faut qu’il soit rejeté dans la marge, écarté, tenu à distance. Mais, de même, qu’ai-je de commun avec les autres êtres que je croise, qui m’entourent, dont je ne sais qui ils sont et dont je n’ai pas envie de le savoir ? Qu’ai-je de commun avec moi-même ? C’est la question que je me pose aussi, quelquefois, ne sachant pas si je suis celui que j’ai voulu être, que je voudrais être, que je serai, ne sachant même pas vraiment qui je suis ni jusques à quand ? Où l’on voit sans doute le peu d’écart qu’il y a entre une simple question et le doute radical qui ne laisse rien subsister, pas même la chimérique entité qui serait censée soutenir l’édifice, lequel, en vérité, s’est effondré depuis longtemps. Badaboum et patatras. De toute façon, toutes les réponses aux questions sont décevantes, raison pour laquelle il ne faudrait jamais interroger pour obtenir une réponse, s’interroger pour savoir, mais garder en suspens ce point d’interrogation comme un fil mince sur lequel tout se tient en un équilibre instable. Le public retient son souffle : ici, ni harnais ni filet, nous ne sommes pas des acrobates, mais de simples gens.

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