2.11.21

She wants to die to reenact the trauma of the death of her father. —Raconte-t-il une histoire vraie, cet homme d’un certain âge à la terrasse du café les deux musées, ou résume-t-il un conte horrifique, un film, un épisode d’une série télévisé ? Ne m’étant pas arrêté pour lui poser la question en sortant du Musée d’Orsay, je ne le saurai sans doute jamais. Et c’est mieux ainsi : si je m’étais arrêté, je lui aurais dit que cette situation était paradoxale car, si elle meurt, elle ne répétera pas le traumatisme de la mort de son père, elle mourra tout simplement, or, il faut qu’elle vive pour revivre. À moins, c’est une hypothèse que je formule à présent, à moins qu’elle doive mourir pour qu’une tierce personne (sa fille, puisqu’il est question de her father) répète le traumatisme de la mort de son père, mais alors il ne s’agirait pas de la répétition du traumatisme précédent, mais d’un nouveau traumatisme, qu’elle aurait à revivre par la suite, on n’en finit plus, et puis pourquoi diable vouloir infliger des traumatismes à des tierces personnes ? Non, vraiment, lui aurais-je dit, vraiment, si c’est le résumé d’un conte fantastique, c’est stupide, et si c’est une histoire vraie, lisez des contes fantastiques, cela vous donnera de bonnes idées pour vos histoires vraies. Devant l’hommage à Delacroix de Fantin-Latour, je suis frappé par la représentation de Baudelaire, qui me semble flou. Un flou singulier qui épouse son regard absent sous ce front immense que dégage la crinière grise d’un vieux fauve fatigué, les lèvres fines quasi effacées, la lassitude de la pose, la tristesse à laquelle on croirait presque n’était ce mouchoir de poche blanc dans la veste croisée noire dont le chu savamment étudié (on dirait qu’il va tomber, c’est-à-dire, mais tient droit, son coin pointant vers Whistler) signifie que tout cela est pensé. Je regrette qu’il n’y ait pas de grand tableau de Baudelaire (le Courbet de 1847 n’est guère qu’une scène de genre), un tableau qui aurait été comme une icône, comme le Saint-Jérôme du Greco ou du Caravage, une œuvre devant laquelle se prosterner, qui donne conscience de la misère, du mystère, de la grandeur, oui, quelque chose d’immense, de plus grand que nous. Mais non rien.