Un torchon posé sur la table en guise de nappe, je déjeune d’une assiette de pâtes à l’huile d’olive et au sel, un bol de soupe, un morceau de pain, une orange, un peu d’eau. J’aime cette simplicité parce qu’elle me ressemble et que j’aimerais lui ressembler davantage. Tous les jours, voulais-je dire. Nul ascétisme (ni sa version allégée que, pour ne pas effrayer les classes consommeuses, on nomme frugalité), plutôt une histoire de légèreté. Tout semble simple et je suis heureux ainsi. La lumière est précise qui ne brûle pas les ombres, les fait voir très claires, au contraire, très nettes, bien découpées sur le plan d’un mur. Je traverse cet espace contrasté sans joie, sans rancœur non plus, l’air est pur (effet du vent, effet de la saison), et c’est tout ce dont j’ai besoin — pouvoir respirer. Je fais ce que j’ai à faire dehors, presque rien, et puis je reviens chez moi. Écrire. Comme il me semble que j’ai les idées claires ces jours-ci. Est-ce une illusion ? Ou est-ce que je m’approche de la vérité ? Paradoxale idée : il n’y a pas qu’une, plutôt une infinité de vérités, dirais-je. Si donc, ce n’est pas de la vérité que je m’approche, laquelle n’existe pas, de quoi ? Quel est ce sentiment qui me fait dire que je ne me trompe pas ? Pourtant, d’un certain point de vue, toutes les apparences sont contre moi. Cela, je ne l’ignore pas, pas plus que je n’ignore que les apparences n’existent pas, pas plus que les essences. Qu’est-ce qui existe ? Qu’est-ce qui est ? Mauvaises questions, mal posées. J’essaie d’en découvrir d’autres, à la mesure de ma légèreté. Le monde est pourri, le monde est foutu, cela non plus, je ne l’ignore pas, ni ne m’en moque. Pourtant, ni le déclin ni la catastrophe, ni la défaite ni l’échec ne sont en mesure de m’alourdir. Nul besoin d’apesanteur pour ne point s’appesantir.

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