Peut-être, nous qui ne nous résolvons pas à admettre que les choses soient simplement comme elles sont, pas à laisser le monde dans l’état dans lequel nous l’avons trouvé, parce que l’ordre des choses est injuste, l’ordre du monde mauvais, peut-être cherchons-nous quelque chose qui n’existe pas. Et alors, nos espoirs seront toujours déçus. C’est pour nous que l’on a inventé le mot « utopie », car c’est là que ce que nous cherchons se trouve : nulle part. Et alors, notre imaginaire se verra sans cesse confisqué par d’autres que nous, qui savent faire des affaires. Ils sont réalistes parce que leur réalité est faite de profits. Pas la nôtre, trop vide, sans doute, pour exister, trop légère pour ne pas être soufflée par le vent de l’histoire. C’est ce que l’on dit, non ? Oui, c’est ce que l’on dit. Et sans doute y a-t-il une part de vérité dans ce récit que l’on fait. Une part seulement, car ce récit lui-même ne vise qu’à réduire la réalité à la seule existence immédiate, l’horreur du vide étant son mot d’ordre, quand même ce serait une contrevérité. N’est-on pas destiné à mourir quand l’on est pleinement de son temps ? Sans temps propre, on passe avec celui qui nous échappe, nous est étranger (on est comme tout le monde, raison pour laquelle on se destine à l’oubli). Qui et seulement qui n’est pas de son temps a des chances de survie. Nous traversons le temps, notre légèreté est notre vitesse. Nous n’avons pas le temps, nous avons le temps d’avance. Nous sommes le passage, nous sommes le dépassement. Métamorphoses infinies. — J’envisage quelque chose que je tâche de garder secret, caché même à moi-même. —

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