17.12.21

Fragments sur la route de Marathon. 10 kilomètres parcourus aujourd’hui. Qui, ajoutés aux précédentes parties du chemin, font quelque 42 kilomètres en 5 jours. Course à pied. Différent itinéraire : traverse le jardin, rejoins le littoral, remonte la corniche, demi-tour et retour. « J’ai un corps », ne cesse-t-on de dire, comme si l’on ne pouvait penser, se penser, autrement que dans le vocabulaire de la possession, de la propriété, tels bons bourgeois vivotant sur les rentes du dogme platochrétien, — le dualisme de l’âme et du corps. Pour changer quelque chose, il faut tout changer. À commencer par soi-même : je ne suis pas un moi qui a un corps, je ne suis pas un ego qui habite un corps, temporairement, faute de mieux, qui aurait pu en habiter un autre, si le sort en avait décidé autrement, je ne possède pas le corps qui est le mien. Si je suis, si j’existe, je suis tout cela, tout cet organisme, toute cette organisation. Décisif : comment penser des rapports qui puissent ne pas être fondés sur la possession, la propriété, l’aliénation, l’exploitation, si moi-même je ne suis pas capable de me penser autrement que comme une chose (res cogitans) qui possède une chose (res extensa) laquelle je tiens pour mon corps ? Pour tout changer, penser au-delà de la division et de l’union, de l’un et du multiple. Non pas l’union, mais l’unité : multiplicités de 1 à l’∞. Elle est là, la véritable transformation. Celle qui sera à même de changer les rapports, de sortir de la possession pour inventer de nouvelles relations qui permettront de nous émanciper. Qui ne se possède pas soi-même parce que soi-même ce n’est pas une chose, une somme de choses, n’est plus obsédé par l’idée même de posséder, il peut se déposséder, en finir en avec la grande obsession. Pour changer quelque chose, je le répète, pour changer quelque chose, il faut tout changer : les solutions partielles ne résolvent rien, au mieux déplacent-elles le problème. C’est à la totalité qu’il faut s’attaquer et non aux parties qui n’existent pas sans elle, lesquelles parties se déplacent sans cesse : on croit avoir résolu quelque chose, un autre problème émerge ailleurs, et ainsi de suite. C’est l’image cosmique qu’il faut changer. C’est le cosmos qu’il faut changer.