23.12.21

Sirènes dans la nuit. Deux tons qui me réveillent. Quid Sirenes cantare sint solitae. J’étais en train de faire un rêve. C’était une fête où des excentriques en costume jaune moutarde côtoyaient des dandies en complet noir, un portier portant chaîne au gilet noir et la cravate orange faisait son office de videur en filtrant les entrées derrière sa porte lourdement blindée. Nous jouions à des jeux étranges dont je ne me souviens pas. Jouions-nous seulement ? Y avais-je été invité ? Comment me trouvais-je là ? Nul ne le sait. Arrivait enfin M.D., qu’il me semblait que j’attendais, ou plus exactement que je savais devoir venir. Était-ce la raison pour laquelle je me trouvais là ? Je tâchais de l’observer sans qu’elle me voie mais me retrouvai si proche d’elle, si proche que nous étions presque pressés l’un contre l’autre par le mouvement de la foule, que je ne pus que prendre la fuite pour qu’elle ne me remarque pas. Peine perdue. Elle me suivait, m’interpelait, je la trouvais belle, ne le lui disais pas. Elle, quelque chose comme : Tu t’enfuis alors que tout ce que tu es, c’est à moi que tu le dois ? Moi, en réponse : N’étant rien, je ne te dois pas grand-chose. Et puis donc, la sirène. La fête est finie. Parfois, je me trouve trop seul. (Ce n’est pas la signification de mon rêve.) Mais ce n’est pas exact. R. m’écrit pour me communiquer les ventes de mes habitacles, plus les téléchargements de l’antilivre : il s’agit de plus de 2000 personnes qui ont eu accès à l’ouvrage. Ce qui est certes dérisoire (et ne rapporte pas grand-chose), j’en conviens, mais invalide l’hypothèse de la solitude. L’époque n’est pas faite pour se rapprocher, tu me diras. D’ailleurs, dans mes rêves, il n’y a pas de gens masqués. C’est que nous vivons par les visages. Chaque jour, je m’efforce d’inventer et de mettre en œuvre quelque chose de beau (non-kitsch) et en quoi je crois. De beau comme le ciel, de beau comme l’amour, de beau comme cette phrase qui date de la Commune : « La République a du pain pour toutes les misères et des baisers pour tous les orphelins. » Couru ce matin (comme tous les matins moins deux ou presque). Impression de traverser un désert gris. Derrière la digue, où je croyais qu’il n’y avait que la mer, sorte de territoire à l’abandon, bande de béton couverte de graffitis aux couleurs vives, criardes. Au bout, une grille. Au-delà, la même nature d’espace : un parking, une Peugeot garée, des travaux. Je m’en vais. Je n’appartiens pas à ce territoire. Je m’enfuis.