Il y a tant de beautés possibles en ce monde qu’il est proprement intolérable de s’abandonner à la médiocrité. « La beauté, quelle beauté ? me répond-on, c’est subjectif », comme tout ce qui a trait aux goûts, aux couleurs, évidemment. Propos de qui ne croit plus qu’en la seule valeur de la Bourse, — et encore, tant qu’elle monte. En investissant tous leurs désirs dans l’argent, les êtres humains perdent tout espoir, toute chance de transformation, ne restent plus pour eux que des journées bien réglées et des vacances au soleil. Le droit de tout détruire, il faut s’en saisir, le droit de n’être pas une chose, mais une source. Le droit, non, même pas, bien avant, bien avant le droit — là est la source : la vie. Comme à qui veut que tu répondes à une image de toi quand, la singeant pour lui faire plaisir, tu t’aperçois qu’elle ne te désire pas toi, mais que tu sois un objet, le refus d’être un objet, le refus opposable. C’est subjectif, sois un objet. Nous sommes enfermés, nous sommes cloîtrés dans les limites étroites de nos concepts. Il faut écarter, étendre, je le veux, ouvrir, m’ouvrir : le réel n’a pas de murs, ce sont nous qui en construisons dans l’espoir d’y comprendre quelque chose, mais rien, bien évidemment, rien, que les structures que nous avons bâties, pas ce qui existe indépendamment de ces structures, pas ce qui n’a pas besoin de ces structures pour exister. Mais il faut bien qu’elles servent à quelque chose, ces structures. Qui a besoin de ces structures pour exister ? Les structures. Savoir que le motif récurrent de Five Pianos de Morton Feldman est une scala enigmatica épuise-t-il la beauté énigmatique de la pièce ? Cela permet peut-être de la comprendre, de l’entendre mieux, mais cela ne résout pas l’énigme. La pièce est l’énigme et sa solution : la solution, c’est l’énigme.

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