Imprimé pour que Nelly les lise les deux (premiers ?) volumes de mon Encyclopédie pirate. J’avais renoncé à essayer de les publier, ces volumes, mais, ce matin, cependant que j’étais en train de courir, j’ai eu une sorte d’illumination : j’ai repensé à ces textes, et il m’a paru évident qu’ils ne pouvaient pas continuer de moisir comme ça, dans le tiroir informatique où ils demeuraient oubliés. J’ai pensé les fusionner. Et puis, comparant les fichiers, il m’est apparu assez clairement qu’en supprimant la partie commune aux deux, communauté due au fait que j’avais un temps pensé ne pas publier le premier volume (Guérilla imaginaire) mais seulement le second (Tout est de l’art), lequel incorporait alors des contes du premier volume, j’obtenais deux volumes quasi parfaitement équilibrés. Aussi, l’idée d’une Encyclopédie pirate a-t-elle revu le jour, sans que je sois vraiment convaincu du titre général, néanmoins, les titres particuliers, eux, me plaisent. Toutes ces questions, je les ai déjà évoquées, et le fait qu’elles reviennent me paraît prouver qu’il y a là quelque chose qui ne saurait être abandonné. Pourtant, j’avais résolu de prendre congé de la fiction, de ne plus en écrire, de ne plus en publier, de ne même plus chercher à le faire, mais dans mon illumination matinale il m’est apparu clairement qu’il n’existait aucun argument décisif en faveur de cet abandon, que c’était purement et simplement le dépit, comme l’amant éconduit jure qu’on ne l’y reprendra plus, que plus jamais il ne tombera amoureux. Au nom de quoi ? Du malheur ? Du désespoir ? Et la joie ? Pas plus que le mauvais goût d’une amante ne doit dégoûter l’amant des plaisirs de l’amour, le mauvais goût des éditeurs ne doit pas dégoûter l’auteur des plaisirs de l’écriture. C’est du moins la conclusion à laquelle je suis parvenu. D’autant que, dans l’éventualité — haut degré de probabilité, ne le nions pas, il faut voir les choses en face, je suis probablement grillé dans le milieu —, dans l’éventualité dis-je où personne ne voudrait publier ces volumes, cela ne changerait pas rien : ils demeureraient dans leur tombeau informatique. En somme, c’est une manière de pari pascalien : si je gagne, je gagne tout et si je perds, je ne perds rien. Sans me relire, je me dis que ces propos m’ont tout l’air de ceux d’un exalté. Ne me suis-je pas fait la remarque, tout à l’heure, en effet, que je débordais d’énergie ? Ensuite, après me l’être faite, c’est-à-dire, la remarque, j’ai gravi un de ces potelets qui font le charme imbécile du paysage urbain, et j’ai sauté comme un gamin qui rentre de l’école. Mais où passe ton énergie en temps normal ? me suis-je demandé. Et la réponse m’est apparue dans toute son évidence : dans l’alcool, pardi ! Deuxième illumination de la matinée. Il faut que je me calme, à ce rythme-là, je ne vais pas tenir le coup. Principalement de la soupe et des pâtes. Par exemple, ce midi : un bol de soupe, des penne au blé complet (huile d’olive et sel), un morceau de pain, une orange. Frugal festin ! s’exclame Pierre Rabbi canonisé.

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