10.2.22

Un moment de paix tout à l’heure — bref mais réel. Tout est si que non rien je n’ai pas envie de finir cette phrase ne comprends même pas pourquoi je l’ai commencée. Elle est là, cependant, et me semble devoir y rester. Dix heures du matin dans le parc, deux jeunes pères joint à la main font semblant de s’occuper de leurs enfants à vélo. Pas les vacances pour tout le monde. Les vieux trichent avec leur batterie électrique. Ce n’est pas de l’exercice physique si la machine pédale à ta place. Pendant que je cours, je fais une remarque ironique à un type plus âgé que moi qui piétine allègrement la pelouse interdite. Peut-être que je le déteste simplement parce qu’il me dépasse. En face de l’hôtel quatre étoiles, un clochard dort au soleil. S’il était mort, pourrait-on dire que c’est son domicile fixe ? Un peu plus tard, je consulte le site de réservation de l’hôtel : il reste des chambres libres. À côté de la boulangerie bio où je vais acheter mon pain, je constate la présence d’un matelas dont l’occupant est absent. Mauvaises répartitions des ressources, me dis-je sans ironie aucune cette fois. Remontant la rue deux fois deux voies à pied, par instants, j’ai l’impression d’étouffer. Je m’en étais fait la remarque en accompagnant Daphné chez son grand-père où elle passe la journée : la circulation est une jungle nauséabonde. D’où vient alors ce moment de paix ? Je l’ignore. C’est une anomalie, hautement improbable, qui se sera produite quand même, divine. Autant hier, j’étais agacé, excité, autant aujourd’hui je me sens calme, apaisé. J’ai lu trois fois la préface à la seconde édition du Gai savoir hier. Parmi les plus belles pages au monde. Cuisine : penne + coppa + figues sèches + pecorino sedilese + huile d’olive de Mouriès = perfection. Il était temps, je crois, de réaliser que, malgré ses origines phocéennes, Marseille n’a rien d’une cité grecque. Elle n’a rien de rien, d’ailleurs. Le paysage lui est étranger (elle n’y est pour rien). Et moi j’y survis encore un peu. J’exagère ? Bien sûr que j’exagère, c’est ma licence prosaïque, mais à peine.