12.3.22

Pure absence
des choses lointaines
et de ce qui n’en est pas
le vent et les vagues
ou la blancheur extrême
d’une mer verte
à la profondeur empire.
J’ai écrit ce poème assis face à la mer sur la Corniche. Le vent soufflait fort et la lumière grise pourtant était d’une clarté aveuglante, quelque chose de sombre et brûlant à la fois. C’était lors d’une pause dans le tour à travers la ville auquel j’avais donné pour prétexte le désir d’acheter la grande édition du Gai savoir de Nietzsche, i. e. celle avec les fragments posthumes. Quinze kilomètres à pied pour arriver là d’où j’étais parti, cartographier avec le corps même, l’espace concret de la ville, côté sud-ouest, la mer pour horizon latéral. Je me suis assis et j’ai noté le poème dans mon cahier au grand bison rouge. Je l’avais déjà en grande partie composé tout en marchant, mais j’ai voulu consigner là, sur le motif, en quelque sorte, au lieu d’attendre d’être rentré chez moi, ces quelques lignes à peine pour une phrase dont les enjambements allaient de soi au rythme de mes pas. Rien de vrai ni de faux, simplement l’allant concret de qui se met en mouvement. À présent que je me tiens dans ma chambre, assis les jambes dépliées sur mon lit, par la fenêtre, je tourne mes regards vers là où je me trouvais un peu plus tôt. Vu d’ici, vu de l’intérieur, tout semble calme, paisible presque. Mais non. Parcourant la ville, les différentes atmosphères qui en délimitent la géographie réelle s’imposent à qui marche. C’est un geste, un vêtement, l’accent d’une voix, un marché plus ou moins informel, les enseignes des magasins, qui signalent qu’une frontière invisible même sur une carte a été franchie. Et je me dis : cette ville, en tant qu’unité, en tant qu’entité, cette ville n’existe pas, elle n’existe que comme la somme des parties en lesquelles elle peut être dissoute sans reste. Dans le parc, des oiseaux semblaient se reposer sur un monticule de terre dont je n’ai pas compris la fonction, d’autres faisaient leur toilette dans le bassin d’une fontaine. Sur l’herbe verte, il y avait de toutes petites fleurs bleues qui dessinaient des motifs au hasard et d’autres, plus rares et plus grosses, d’un jaune vif.