Crise d’ironie duchampienne cette nuit avant d’aller me coucher. Elle ne fera rire personne, mais moi, oui. Daphné aussi, je crois, qui ne se souvient plus toutefois du L.H.O.O.Q. et des moustaches de la Joconde dada. Et puis, si, ça revient. Elle-même dessinera des moustaches et des gros yeux sur les prospectus électoraux. Je les lis. Les trouve absurdes. Me tais. Comment pourrait-il en être autrement ? Parce que nous ne semblons même plus avoir la force de poser la question, nous demeurons là, immobiles au milieu d’un incompréhensible chaos de sensations, de sentiments, d’émotions, de slogans, de phrases creuses et de vœux pieux. Je n’ai rien à dire. Me couchant une fois de plus en me demandant pourquoi je fais ce que je fais et pourquoi diable il faudrait que je me lève le lendemain matin, pourquoi je ne pourrais pas rester là, caché, pour toujours, ou s’il ne serait pas plus judicieux de disparaître une bonne fois pour toutes, vaporisation matérielle de ma personne, je me dis que je ne peux plus me coucher en me posant ce genre de questions, qu’il y a quelque chose comme un nœud gordien à trancher. Les solutions prennent la forme de la destruction du problème ou de son abandon, de sa disparition spontanée, du passage à autre chose, de l’épais brouillard qui se dissipe. Les solutions d’ingénieur — tout ce à quoi notre existence semble désormais réduite, dans sa dimension politique y compris — les solutions d’ingénieur ne nous intéressent pas, elles laissent le problème intact, elles le maintiennent. Toute la politique se voit ainsi bornée à des questions de mesures — qu’est-ce que vous faites pour ceci ? qu’est-ce vous faites contre cela ? —, sans que jamais il ne soit question de mesure : on joue à qui a une vision alors que nous sommes aveugles. Comme j’en suis convenu avec moi-même, je ne vais pas voter. Je traîne au lit (pas autant que je le voudrais), note le poème qui me vient sans que je ne lui aie rien demandé, le relis un peu plus tard, m’interroge à son sujet, et puis me dis : il ne vaut rien, il est.

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