Petit un, j’aime la discipline dont je fais preuve, ce qui ne signifie pas tout à fait que j’aime faire preuve de discipline, en faire preuve en général, non, mais que j’aime, après m’être donné à moi-même un certain nombre de règles, découvrir que je suis capable de les suivre et que, donc, je ne me contente pas de parler dans le vide, de brasser de l’air, de faire des phrases qui sont sans rapport aucun avec l’expérience, ainsi, ce matin, après avoir passé l’aspirateur, la serpillère dans la maison, et malgré les heures de sommeil en retard accumulées pendant le week-end, je suis allé courir, j’ai fait ce que j’avais à faire non parce que quelqu’un m’avait dit que je devais le faire mais parce que moi je m’étais dit que j’allais le faire. Petit deux, c’est la même chose avec l’écriture de ce texte auquel je me consacre tous les jours sans autre dessein réel que celui de l’écrire, non pour le plaisir de parler, parler est un plaisir quand on parle bien, mais pour faire quelque chose avec le langage, traduire l’expérience dans une langue. Petit trois, il faudrait que je me donne une règle de plus dans l’écriture, j’ai trop tendance à me contenter de cette écriture quotidienne qui n’obéit à aucune autre logique que celle de son écriture, me donner un projet et le suivre. Pourquoi n’y arrivé-je pas ? Est-ce vrai que je n’y arrive pas ? Non, je ne le crois pas. Alors quoi ? Il faut que je le fasse. Petit quatre, ces derniers jours, bien souvent, je croise un type qui s’installe dans un coin du parc, à côté de son vélo, et fais des gestes en poussant des cris, je crois qu’il pratique un art martial, mais je ne sais pas lequel, peut-être un art martial qu’il a inventé lui-même, s’assurant chaque fois que quelqu’un passe que la personne qui passe prend bien le temps de le regarder faire ses mouvements en poussant des cris, parfois il saute comme une sorte de singe en colère agitant ses bras qui semblent ballants sous ses couilles avec des mugissements rauques, parfois, il donne des coups de pied et des coups de poing dans l’arbre à côté duquel il s’installe avec des cris plus perçants, plus brefs, plus secs, la dernière fois que je l’ai vu, c’était ce matin, pour le deuxième ou troisième de mes tours autour du parc, il était en train de faire le grand écart, je n’ai pas bien regardé parce que je ne veux pas lui donner le plaisir de s’imaginer que je fais attention à lui, il se trouve qu’il est là et que je le vois, je n’y peux rien, c’est comme ça, ce sont les lois de la vision, et j’ai eu l’impression qu’il était en suspension sur les mains ou quelque chose comme ça, et je me suis dit qu’un type comme lui devait passer un temps considérable à se branler tout nu en se regardant devant un miroir ou pratiquer une autre forme de pornographie autoérotique. Petit cinq, je me suis demandé si j’avais l’air aussi désespérant que lui et c’est probablement le cas, dans un autre monde possible, ou dans celui-ci je ne sais pas, peut-être qu’un écrivain se moque de moi dans son journal, décrivant ce type, de plus en plus vieux et de plus en plus gros, qui court en rond dans l’espoir de rester jeune et de maigrir sans jamais y parvenir ni même se lasser de ses échecs cuisants. Est-ce que je le mériterais ? Oh, sans aucun doute. Petit six, et cela n’a aucun rapport avec ce que je viens de dire, ou en tout cas je n’en vois pas, tout à l’heure, devant l’absolue bêtise de la vie politique française, je me suis dit qu’aux prochaines élections, j’irai voter Emmanuel Macron, afin de donner à son parti une vaste majorité à l’Assemblée nationale, mais je crois que je n’y crois pas moi-même, c’est simplement une façon pour moi de m’exclamer dans le dialogue intérieur de mon âme avec elle-même : Mais putain qu’on en finisse avec tous ces cons bordel putain qu’on en finisse ! pas avec la démocratie, mais avec la farce par laquelle la vie politique française usurpe ce nom. Petit sept, il n’y a pas de petit sept.

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