Hier, résultat du test de Daphné, qui ne nous apprendra rien que nous ne sachions déjà, mais confirmera ce que nous avions compris de nous-mêmes (le test se contentant de fait d’« objectiver », ce qui, par les temps qui sont les nôtres, n’est pas tout à fait rien, malheureusement). Pour autant, il me semble que ce n’est pas inutile, loin de là, pour nous tout du moins, tant il nous aura été difficile d’en parler, de nous faire comprendre, les plus bienveillants de nos pseudo-proches ou de feus nos amis n’ayant pas eu cette patience-là (ils ne s’en seront pas donné la peine). Moi qui ne crois pas aux merveilles de la psychologie moderne, je pense toutefois que c’est une chance pour Daphné et, ce matin, marchant pour aller lui acheter un croissant à la boulangerie, je me dis : la vie lui tend les bras. N’est-ce pas merveilleux ? Hier encore, mais ceci n’a rien à voir avec cela, j’ai résisté à la tentation de me mêler de ce qui ne me regarde pas : je suis en train de dire quelque chose quand, tout à coup, je m’arrête et, en vérité je me le dis, me fais remarquer que je n’en ai rien à foutre. Peut-être n’est-ce pas au goût du jour de ne rien en avoir à foutre, mais c’est ce que je ressens — profondément. Je suis sommé d’avoir un avis, de me soucier des trois cents prochaines extinctions de masse, de la fin du monde, de la guerre qui fait rage, de l’escacatologie des stars, de l’union de la gauche, du libertarisme musqué, mais je n’en ai pas envie, je ne ressens rien au sujet de ces sujets, qui ne me concernent pas, ne m’intéressent pas. Il faudrait que, parce qu’il faut être un salaud d’hypocrite pour survivre et se faire admirer et exister socialement. Mais je ne peux pas, je crois que c’est au-dessus de mes forces, faire semblant. Quand Nelly, amoureusement, me suggère de passer un test comme Daphné parce que, en effet, c’est ce que l’on dit, certains adultes, ça les aide de savoir, je lui réponds que ce n’est pas un chiffre qui m’aidera à faire du chiffre à la fin du mois, et encore moins à la fin du monde. Mais je suis un menteur, ce n’est pas ce que j’ai dit à Nelly. Ce bon mot, je l’invente à présent, quand même le sens de ma réponse fut identique. Je comprends ce que Nelly me dit, et je comprends qu’elle me le dit avec bienveillance, je comprends tout, mais cela ne fait rien. J’ai envie de dire que c’est trop tard pour moi et, si ce n’est pas tout à fait exact, ce n’est pas totalement faux non plus. Aussi, y a-t-il lieu, en l’occurrence, de moins penser à soi que de se réjouir des progrès que, malgré tout, nous accomplissons, nous autres êtres humains, progrès que Daphné devra accomplir bientôt à son tour. Mais alors moi ? Mais moi quoi ? Rien moi. Tout va bien. Je vais bien. Tout est parfait. Courant ce matin, j’ai de nouveau pu admirer les gesticulations kungfuesques de cet étrange personnage qui hante le jardin public. Non seulement tout est parfait, mais en plus, tout est normal. Et je suis une république à moi tout seul.

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