6.5.22

Parfois, comme aujourd’hui, j’entends aux sons que font les notes que je joue quand je les joue que ce n’est pas une bonne journée, ou plutôt non : que quelque chose ne va pas dans ma manière d’appréhender les choses, que ce n’est pas juste, et que quelque chose sonne faux. Est-ce une question d’angle d’attaque ? Ou sont-ce mes oreilles qui ne sont pas bien disposées envers les notes, ma personne mal disposée envers les choses, les événements ? Pourtant, tout va bien (je me répète, mais je le répète), le rythme est bon (couru moins longtemps qu’hier, mais plus vite), ce n’est donc pas un problème d’inadéquation entre les événements et moi, mais peut-être bien une histoire d’oreille qui entend mal ou de mes doigts qui ne se synchronisent pas avec elles. Je me pose des questions naïves, du genre : comment se fait-il que toutes les religions se fondent sur des interdits, des contraintes rituelles, des dogmes plus étroits encore que le trou d’une aiguille, des discriminations entre les individus en fonction de leur sexe, de leur origine sociale, ethnique, familiale, et caetera et caetera ? Je me demande : pourquoi n’y a-t-il pas de spiritualité immanente et émancipatrice ? Et la réponse est dans la question : il faut en finir avec l’idée d’immanence tout comme il faut en finir avec l’idée de transcendance, mieux : il faut en finir avec l’idée d’immanence parce qu’il faut en finir avec l’idée de transcendance, les couples vont ensemble, toujours, les contraires sont inséparables, toujours, comme dans les συστοιχία pythagoriciennes. Pour tâcher de m’évader et échapper à ces apories imbéciles, je me dispose à cuisiner un ragù dans lequel, bien des heures plus tard, viendront plonger des pâtes, de gros spaghetti, justement nommés par le génie superlatif de la langue italienne, spaghettoni. Spaghettoni al ragù, donc. Me reste-t-il une feuille de laurier — nécessaire pour le soffritto (huile d’olive, beurre, céleri, oignon, carottes, laurier) ? La réponse est oui. Tout va bien, te dis-je. Tout va bien, mais tu n’écoutes rien. Jamais rien.