Étroit espace où se jouent nos vies. Finalement, que maîtrisons-nous ? Presque rien. Mais ce presque rien, c’est presque tout. Phrases banales. Pas autant que les idées qu’elles expriment avec maladresse. Le sont-elles, banales ? Oui. Mais n’est-ce pas ce que je veux, n’est-ce pas cela qui compte le plus (cf. ce que j’écrivais hier) ? Dans l’espace de plus en plus étroit où, pendant un certain temps encore, je peux chercher qui est ce moi-même que je voudrais ou ne voudrais pas être, qui je ne pourrais pas ne pas être, ou autre chose, et avec qui, dans cet espace infiniment petit où j’imagine avoir le droit de respirer comme je mens (est-ce seulement vrai ?) dans l’espace laissé libre encore (mais pour combien de temps ?) par le totalitarisme du bien (« Tout est politique », dit-on), tout est possible. Et tout, c’est si peu. Je le vois bien. J’ai les mains pleines de temps. Et je n’en fais rien. L’univers coule entre mes doigts et je ne puis le saisir. Faut-il aussi que je m’acharne à essayer d’y parvenir ? Si je regardais un peu plus longtemps mes deux mains vides par où coule l’univers, et même s’il coule partout ailleurs, découvrirais-je quelque chose qui ne se trouve pas là, mais partout ? Ou alors rien ? Il faut essayer. Cette phrase (« Il faut essayer. »), ne ferait-elle pas une merveilleuse devise ? Dans le corbillard qui le conduit aux funérailles de Paddy Dignam, Leopold Bloom se sent terriblement seul parce que la société l’isole, qui refuse de l’intégrer à son corps. Comme Ulysse, il est exilé de l’univers, exilé dans l’univers. Et c’est à lui, qui se tient loin du centre du monde social, que les choses apparaissent, comme « that lawkylooking galoot over there in the macintosh. » Séquence dont profite Homère Joyce pour nous expliquer comment naissent les noms, « the fellow over there in the macintosh » devant un certain M’Intosh. Dans le monde social, le langage est malentendu. Il n’y a que celui qui se tient à l’écart qui l’entend.

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