Illumination négative : cette nuit, cherchant la bonne position dans le lit afin de parvenir à y trouver le sommeil, je me suis dit, comme la gloire ne sera pas pour moi, ni dans le temps de cette vie ni après cette vie (je parle de la gloire, je ne parle pas du succès, qu’elle soit impossible pour moi ou impossible en soi, cela, dans ma recherche du sommeil, ce n’était pas très clair, ou alors l’un était tout aussi possible que l’autre), tout ce à quoi je puis m’efforcer, c’est à être en accord avec moi. Et que je ne le sois pas ? Quoi ? Que je ne sois pas en accord avec moi-même, qu’est-ce que cela signifie ? Je ne sais pas, qu’il faut que je m’efforce de l’être ? Entendu, mais en quoi cela peut-il bien consister ? Pas de réponse. Un peu plus tard, je suis allé marcher, j’avais besoin de me sentir exister, d’être en mouvement, et j’ai commencé à dresser une sorte de plan de bataille, une liste de choses à faire tous les jours ou presque, quoi qu’il arrive, pour parvenir à être en accord avec moi-même. Que contient cette liste ? Peu importe. À vrai dire, ce n’est même pas une liste, c’est un certain nombre de choses à faire que j’ai identifiées, plutôt que de liste de choses, d’ailleurs, il vaudrait mieux parler de règles. Oh, je sais, cet ensemble de règles, ou du moins : un ensemble de règles, pas forcément celui-ci, en particulier, mais un ensemble de règles, je m’en suis donné plusieurs, sans jamais parvenir à les mettre en œuvre durablement dans leur totalité, et n’est-ce pas justement pour cette raison que je ne me sens pas en accord avec moi-même, que j’ai toujours l’impression d’être un autre moi que le moi que je voudrais être ? Souvenir d’un bel été breton à l’usage de cette expression — « illumination négative » — que je recherche dans les pages de ce journal. Que puis-je espérer d’autre pour moi-même qu’avoir encore le désir et la force d’écrire jusqu’à la fin ? Lisant d’un œil distrait les pages de l’été breton, je constate que je ne suis pas très différent de celui que j’étais. Ou plutôt : je découvre que la grande continuité de mon existence, elle est là, dans cette pratique sans hiatus (écrire), qui hante, qui guérit, qui sauve, qui obsède, qui métamorphose, qui dure, qui reste la même, qui ne ressemble à rien, à rien d’autre qu’à elle-même, — et à moi.

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