Je suis sans doute le premier dandy mal habillé, en tout cas le moins bien fagoté de la place de Paris. Cela ne fait guère de doute dans mon short bleu marine et mes baskets assorties, mon teeshirt noir et mes socquettes assorties, mais je me console en me disant que 1) il n’est pas donné à tout le monde d’être le premier en quelque chose, 2) qu’en réalité, tout cela est moins une question d’habits que d’esprit et 3) que, de toute façon, je n’y suis pour rien, nous allons devoir vivre dans des cartons pendant un certain temps encore. Paris a un prix, en effet, et ce n’est pas l’encadrement des loyers qui serait susceptible de le maîtriser. Si je me sens bien, je n’ai pas encore trouvé l’équilibre et je ne sais pas combien de temps cela va prendre pour y parvenir. Peut-être toute la vie. N’importe quoi. J’ai commencé la lecture d’un livre samedi dernier, que je n’ai pas continué parce que je ne me sens pas disponible, je n’ai pas « la tête à ça », comme on dit, et, en fait, c’est que je n’ai pas trouvé l’espace ni le temps libres pour le faire. L’absence de solitude aussi, évidemment, joue son rôle, le plus grand, vraiment le plus grand. Il faudrait que je sois seul, mais je ne le suis pas, ou alors pas assez, et je ne me plains pas, non, cette situation, je l’ai désirée, je ne la regrette pas, ce n’est pas la question, alors quelle est la question ? Il n’y a pas de question, rien que cette vérité pas forcément très intéressante ni très originale qu’il faut être seul, que c’est nécessaire pour écrire, pour écrire et pour penser. Sinon quoi ? Rien, je crois. Tout ce qui préoccupe mes contemporains me semble profondément imbécile et je ne sais pas quoi faire de cette idée, probablement parce qu’il n’y a rien à en faire, ou alors est-ce que je n’ai pas l’énergie qui serait nécessaire pour lutter, mais lutter contre quoi ? Être seul, ce n’est pas une affaire sociale, c’est une manière de penser, ou non : une façon de laisser le temps à la pensée de se dérouler, et puis de l’enrouler, de la rembobiner, avant d’aller faire le tour du labyrinthe, où ne rien comprendre, où se perdre, où faire la conversation avec un ou deux monstres avant de recommencer.

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