1.8.22

Je sais que le ciel n’existe pas, mais je peux me perdre en lui, disparaître quelques instants dans son étendue nulle, n’être plus rien, que lui. Où est le problème si je ne suis pas victime de mon illusion ? Dans le ciel ou en moi ? Mais si je n’en suis pas victime, il n’y a pas d’illusion. Dès lors, où est le problème sinon nulle part ? Quelques secondes, je m’absente. Sans doute est-ce une question de salut. Pas de l’âme — de l’univers. Qu’est-ce que vaut ma relation au ciel face aux deux tonnes cinq d’un suv bmw ? Rien. Et n’est-ce pas cela, ce rien, que nous devrions désirer, cet intime que nous devrions préférer aux tonnes qui pèsent, aux sommes qui comptent, à la lourdeur universelle ? (La lourdeur universelle n’est pas la lourdeur de l’univers.) Ne crois pas à la rhétorique, c’est vraiment une question. Ne vois-tu pas, en effet, que l’immense majorité préfère la lourdeur à l’infime, la pesanteur au ciel ? Pas une question de salut, non, tout une humanité à convertir. Vaine tâche, tous ceux qui ont essayé ont échoué, il semble même que l’échec fasse partie de la tâche, appartienne à sa nature, il semble même que l’accomplissement de la tâche ce soit l’échec. Moi ? Moi, je n’ai pas envie d’échouer. Des siècles d’échecs nous ont si peu appris que nos victoires elles-mêmes sont des défaites. Je ne flotte pas, ne me retire ni ne disparais, suis du regard un avion dans le ciel, attends qu’il soit passé pour déclencher la prise de vue. C’était le bon moment pour être là et j’y étais.