22.8.22

Écrit une deuxième histoire en moins d’une semaine. Celle-ci, à la différence de la précédente, je décide de l’écrire dans un fichier à part. Après l’avoir finie, je copierai la première histoire elle aussi dans un fichier à part et je rangerai les deux dans un dossier nommé « Histoires 2022- ». Ce n’est pas parce qu’elle est plus longue que j’écris cette histoire en tant qu’histoire, c’est qu’il s’est passé quelque chose. L’idée m’en est venue en courant. Je descendais la pente qui longe la rue de Médicis, au niveau à peu près de la fontaine du même nom, et soudain l’idée était là. J’ai commencé à écrire mon histoire comme ça, en courant. Je me suis dit qu’il faudrait que j’en fasse un petit livre, d’une centaine de pages environ, pas plus, 100000 signes me suis-je, même, à un moment, et puis, j’ai pensé que ce livre personne ne voudrait le publier, j’ai pensé que, si je le publiais à mon propre compte, ce serait une mauvaise idée, je me suis imaginé une conversation avec le libraire de Tschann à ce sujet, ensuite j’ai pensé au libraire de chez Charybde, dont je n’ai plus jamais entendu parler après mon passage dans sa librairie, j’ai dû faire quelque chose qu’il ne fallait pas, mais quoi d’autre, à part ne pas avoir de succès ? bref, j’ai pensé à cette absence de succès, je me suis dit que ça ne servait à rien d’écrire pour ne pas être lu avant de me dire, in fine, que je m’en foutais, que j’écrirai quand même mon histoire. Tout ça, en courant, oui. Quelques heures plus tard, quand j’ai enfin disposé de la solitude nécessaire pour écrire mon histoire, je l’ai écrite, et le fait qu’elle ne fasse pas environ 100000 signes mais exactement 17001, me dit le compteur de mots, n’est pas un échec, mais la conséquence de la nécessité imposée par le texte même, par sa nature. Après tout, rien ne dit que les contes ne valent pas mieux que les romans. Réflexion iconoclaste en période de rentrée littéraire, je l’assume d’autant plus volontiers que je n’y prends pas part. Je sais gré à Nelly de ne pas m’en parler. Ce conte, pendant que je l’écrivais, je me demandais ce que j’allais en faire, si j’allais le garder caché dans mon disque dur, si j’allais l’effacer aussitôt après l’avoir écrit, le geste de l’écrire se suffisant à lui-même, ce qui, pour un auteur qui n’est plus publié, n’est pas totalement faux, et je ne sais pas encore. Enfin si, je le sais, mais passons. J’étais heureux d’écrire mon histoire. Je sais que, dans un autre monde possible, en plus du bonheur de l’écrire, elle me rapporterait quelque chose, mais dans ce monde-ci, ce n’est pas le cas. Je crois que c’est une raison suffisante pour détester ce monde, mais cette raison elle-même n’est qu’un symptôme de quelque morbidité plus profonde, de quelque maladie bien plus grave. Je n’aime pas les auto-exégèses. Aussi ne m’y livrerai-je pas. Toutes ces pages qui s’accumulent sont ce que j’ai de plus précieux et pourtant, elles ne valent rien. C’est désespérant, mais c’est ma vie. Il faut que je la vive. C’est ma traversée du désert. Quand même il n’y aurait rien au bout de la route que plus de désert encore.