Tous les jours, mes dix-sept lignes sont la seule réponse en laquelle je crois à la précarité de l’existence. Pourtant, dans l’habitacle, hier au soir, faussement protégés par la lumière intermittente des feux de détresse de l’automobile, G. et moi trouvons des raisons de faire ce que nous faisons quelques instants de plus. Quelques instants de plus, au moins. Même si nos familles réprouvent nos choix, ces choix sont les nôtres en ce sens que nous nous définissons par eux, nous devenons les personnes que nous voulons être (ou espérons devenir) en les faisant, en nous y tenant, en les vivant. Aussi, quant à moi, me semble-t-il, revenant vivre à Paris à l’âge quarante-cinq ans afin de refermer cette parenthèse désenchantée qui nous aura tenu éloignés de nos choix et de nos désirs pendant presque cinq ans, il n’est ni trop tôt ni trop tard pour m’émanciper enfin. Et ce que les autres pensent ou ne pensent pas, cela ne peut pas, cela ne doit pas importer. Pourtant, toujours aussi difficile de m’endormir. Quand je suis sur le point de basculer, j’ai l’impression qu’une partie de moi-même, s’en apercevant, m’alerte de l’imminence du sommeil et m’interdit l’accès. La même partie qui, guettant ce qui pourrait troubler mon calme, attire mon attention dessus alors que je ne m’en souciais pas, faisant dès lors que je m’en soucie, et ne m’endors pas. Crise de nerfs. Finalement, je change le sens de mon orientation, les pieds à la place de la tête, et inversement, dans lequel je finis par trouver le sommeil. Au matin, bonne âme, Nelly me laisse dormir trois-quart d’heure de plus. Je me lève, fais deux ou trois choses et puis, sans plus attendre, vais courir, vite, plus vite en tout cas que ces derniers jours. Ai-je peur de trouver la paix ? Faut-il donc que j’atteigne systématiquement la frontière de l’épuisement ? Je ne sais pas. C’est-à-dire : je ne sais pas ce que ces questions veulent dire. Parfois, j’ai envie de dire qu’il me faut trouver l’équilibre, mais ce n’est pas une réponse, c’est une question, — l’équilibre entre quoi et quoi ?