28.9.22

À la voix dans ma tête qui n’arrête pas de me dire d’écrire, je réponds que je n’ai pas envie. Qu’est-ce que ça m’a apporté, rapporté, d’écrire ? Je suis certain d’avoir déjà écrit ces phrases, ou d’en avoir écrit de semblables, qui veulent dire exactement la même chose. Trop souvent. C’est désespérant. Pourtant, la journée n’avait pas trop mal commencé, mais tout ce que tu commences s’effondre avec la rigueur d’un système conçu pour. D’ailleurs, peut-être y a-t-il un système conçu exactement pour cela, mon échec. La possibilité peut-elle en être exclue a priori ? Je ne crois pas. Et qui voudrait bien se livrer à un examen a posteriori. Mais un examen de quoi ? Un examen de moi ? La plaisanterie. Je serai bien mieux sans rien, comme la semaine dernière, sans téléphone ni carte bleue, ni rien du tout, d’ailleurs, les mains dans les poches, tout simplement. Mais on ne peut pas vivre les mains dans les poches. Quelle tristesse. Est-ce à dire que je suis condamné à faire ? Est-ce à dire que je suis condamné à obéir à la voix dans ma tête qui m’ordonne d’écrire, d’écrire c’est-à-dire de faire, de faire c’est-à-dire de sortir les mains de mes poches et d’agir ? Quelle tristesse. C’est tellement mieux quand les choses se passent comme hier, quand une histoire vient toute seule, quand je n’ai pas d’efforts à fournir. Les efforts, c’est la mort. Persévérer dans son être ; la plaisanterie. As-tu seulement vu la tête de l’être ? Partout des gens font des choses, me reprochent de ne pas faire des choses, m’incitent à faire des choses, m’obligent à faire des choses. As-tu seulement vu la tête des choses ? Les choses, l’être, tout cela est de trop. Même quand on se dit qu’il faut faire moins (la société de « la sobriété »), tout le monde se demande comment faire et donc tout le monde fait plus. Trop, pas sobre du tout. Pour l’être, pourtant, sobre, il faudrait se contenter de passer un peu plus de temps les mains dans les poches, sans téléphone ni carte bleue ni rien. Ou alors faire de la musique, mais seulement par amitié, pas pour remplir des salles, des stades, vendre des disques, écouler des fichiers, que sais-je ? Mon Dieu, quelle époque, quel monde, quelle vie ; suis-je si naïf, si imbécile qu’il me semble que je le sois, si je demande pourquoi ? Même moi, j’ai une voix dans ma tête qui me crie : écris ! et que je n’arrive pas à faire taire. Qui est-ce ? Qui est-elle sinon la voix de mon époque, la voix du monde, la voix des choses, la voix de l’être. Mais tais-toi, tais-toi enfin, laisse-moi vivre.