6.10.22

Trouver le bon état d’esprit, la bonne façon de voir les choses. Ne rien attendre, ni la permission ni la forme parfaite, faire. Comme si c’était moi qui pouvais aller à la forme, au sujet, comme on dit, je cherche une idée, que je ne trouve pas, alors que c’est la forme qui vient à soi, ou même pas, ne s’impose pas, non, ce n’est pas cela, mais s’avère. Qu’est-ce que le vrai ? me demanderas-tu, eh bien, je ne sais pas, peut-être qu’on le reconnaît quand il est là, sans qu’il ne jouisse pour autant d’une propriété particulière, mais simplement parce qu’il est — comme il est. Est-ce à dire que tout est faux ? Oui, c’est une idée que j’ai déjà eue. Oh, je ne sais pas ce qu’elle vaut, ce n’est pas ce que je veux dire, je n’y crois pas dur comme fer, c’est quelque chose qui flotte là, tout autour de moi, parfois je me tourne du côté où cette idée se trouve et je la reconnais : tout est faux que je ne reconnais pas comme vrai. Non que le vrai soit ce que je reconnais comme tel, ne fais pas l’erreur de le croire, mais le vrai se reconnaît, il se démarque pour qui le cherche. Encore faut-il le chercher. Oui, encore faut-il le chercher, c’est ce que je voulais dire. Crois-tu alors que personne ne le cherche ? Personne, je n’irai pas jusque là, mais c’est un fait que l’on préfère la gloire et le pouvoir au savoir. C’est navrant, mais c’est vrai. Que les femmes et les hommes avec qui nous partageons notre présence sur terre soient ainsi est passablement décourageant, mais qu’y faire ? Qu’y faire, sinon œuvrer ? Œuvrer, c’est-à-dire : chercher la bonne façon de voir les choses, le bon état d’esprit. Le bon état d’esprit éclaire. Et, quand même la lumière mettrait des années à nous parvenir, n’avons-nous pas tout le temps qu’il nous est donné de vivre devant nous ? J’ai souvent souffert à cause de mon impatience : je voulais que le livre soit écrit avant de l’avoir fini, je voulais qu’il produise son effet avant qu’il ait le temps d’agir, j’étais déçu, je cherchais quelque chose qui ne pouvait pas se produire. Je ne fais pas l’apologie de la patience. Je ne fais l’apologie de rien du tout. Je me contente de décrire. Je n’attends rien. La forme ne s’impose pas. Elle n’existe pas, pas plus que le style, — c’est quelque chose qui s’invente. Chaque jour, pour se dépasser soi-même, ne serait-ce que pour aller un peu plus loin, trouver la bonne façon de voir les choses, le bon état d’esprit.