Est-ce que tous les neuf octobre j’écris un poème ? C’est possible, oui. Mais étions-nous le neuf ou le huit à l’heure à laquelle, avant de me coucher, la nuit dernière, j’ai écrit le poème que je viens de relire ? Peut-être, étions-nous le huit, c’est possible, oui. Je viens de le relire et je ne l’ai pas trouvé très bon. Mais je vais le copier quand même, ici, parce que j’ai dit que je ne cacherai rien. Rien ne m’oblige à montrer, ce n’est pas ce que je veux dire, rien, si ce n’est moi-même, mais c’est ce que je souhaite faire pour montrer quelque chose qui n’est pas le poème, mais plutôt, je crois, le geste même de montrer. Montrer le geste de montrer. Pas évident. Si on voulait le faire avec les doigts, par exemple, on n’y parviendrait pas, on ferait des signes incompréhensibles avec les index, on n’apprendrait à personne qui ne connaitrait pas le geste de montrer, comment on fait pour montrer avec les doigts, à faire le geste de montrer, à montrer avec les doigts. Parfois, le boulevard est étonnamment calme et puis, la sirène d’un véhicule de police ou d’une ambulance vient rompre ce fragile équilibre de paix, ou alors c’est un cri, comme à l’instant. Ou est-ce quelqu’un qui éternue très fort ? Peut-être est-ce quelqu’un qui crie en faisant un bruit semblable à celui de quelqu’un qui éternuerait très fort, c’est possible, oui. Quoi qu’il en soit, je suis déçu parce que mon commentaire à propos d’un article écrit par la spécialiste du cul des médias a été rejeté par la personne qui modère les commentaires du Monde. Pourtant, comme l’a attesté Nelly, mon commentaire d’hier à propos de la psychanalyste et de la pénurie d’énergie, était très drôle. Mais ce matin, ce n’est pas passé, peut-être parce que je disais qu’affirmer comme le faisait la spécialiste du cul des médias qu’il fallait que la honte change de camp en matière de sexualité, ça me faisait penser à ces slogans du FN à propos de la délinquance qui disent qu’il faut que la peur change de camp et qu’en fait, tout en croyant être de gauche, tout en le prétendant, on pouvait s’avérer de droite, parce qu’on a les mêmes réflexes mentaux que les partisans de l’extrême-droite, peut-être. Mais ce que je disais n’était pas absurde, je crois, ce n’est pas absurde, en effet, je crois, de dire que, s’il ne faut pas que les femmes aient honte de leur sexualité, il ne faut pas non plus que les hommes aient honte de leur sexualité, qu’on devrait parvenir à un monde où personne n’aurait à avoir honte de sa sexualité parce que la sexualité serait enfin épanouie et démocratique. Sauf que ça n’a pas plu à la personne qui modère les commentaires du Monde, c’est dommage, mais ce n’est pas si grave que l’importance que je semble donner à la chose, en fait, que ce commentaire soit refusé a même un mérite : me permettre de prendre conscience qu’il faut que j’arrête de poster des commentaires sur les articles du Monde. Ce n’est pas la première que je m’en fais la remarque, mais parfois j’ai l’impression que je ne peux pas m’en empêcher, c’est comme une sorte de drogue, une drogue stupide, mais une drogue quand même, la drogue de l’imbécile que je suis. Fait les devoirs avec Daphné, ce matin, dont je puis dire que, malgré son année d’avance, elle travaille bien. Une douce lumière d’automne baigne l’air à ma fenêtre. Et mon poème ? J’ai failli l’oublier. Le voici :
la vie boite
et comme moi
la vie souffre
et comme moi
la vie a les pieds qui gonflent
(et comme œdipe)
et comme œdipe
la vie pense et vit et existe
et comme moi
la vie continue malgré tout
et malgré tout et
malgré la haine et
malgré la mort et
malgré la vie même
la vie vit et
comme moi
parfois la vie pense à autre chose
mais je ne sais pas quoi.