
« Les nuages bas s’échappant des terrains dévastés s’associèrent dans mon imagination à un tableau de Tiepolo que souvent j’avais contemplé. Il montre la ville d’Este ravagée par la peste, extérieurement intacte dans la plaine. L’arrière-plan est une chaîne de montagnes avec un sommet fumant. La lumière dispensée sur la scène semble peinte au travers d’un voile de cendre. On croirait presque que c’est cette lumière qui a chassé les hommes de la ville et les a dispersés en rase campagne, là où après s’être traînés en titubant, ils ont été terrassés par l’épidémie qui les rongeait de l’intérieur. Au milieu, à l’avant une femme morte de la maladie, son enfant encore dans les bras. Sur la gauche, agenouillée, sainte Tekhla, intercédant en faveur des habitants de la ville, le visage levé vers les cohortes célestes qui défilent et donnent à qui veut bien le voir une idée de ce qui s’accomplit au-dessus de nos têtes. Sainte Tekhla, prie pour nous, afin que nous soyons délivrés à jamais de toute contagion et de toute mort impromptue, et que la miséricorde nous épargne toute atteinte du mal. Amen. »
W. G. Sebald, Vertiges (traduit par Patrick Charbonnier), pp. 51-52.
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Giovanni Battista Tiepolo – Santa Tecla che invoca la liberazione di Este dalla pestilenza (1759)
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