4.12.22

Le fait est que je suis vieux, gros et ridicule. Quand on est vieux et gros, on est forcément ridicule, non ? En tout cas, moi, oui. Est-ce que le fait que je sois vieux, gros et ridicule m’empêche de dormir ? Non. De toute façon, ne pas dormir ne me rendra pas moins vieux, ni moins gros, ni moins ridicule. Au contraire. Alors, autant dormir. Non ? En tout cas, moi, c’est ce que je fais, oui. Mais avant de dormir, rentrant tard, je mange des morceaux de parmesan et un quignon de pain pas encore tout à fait rassis debout dans la cuisine. Plus tard, le réveil sera brumeux,  brumeux mais turgescent. Ainsi va la vie. Passé la soirée avec T. Plus vu d’êtres humains en cinq mois qu’en cinq ans. Non que je devienne un être particulièrement social, mais ai-je jamais été si asocial que j’aie pu me le laisser entendre ? Je dois permettre le doute à ce sujet. Parfois, ce n’est pas le bon lieu, les bonnes personnes autour, la bonne atmosphère même si c’est le bon climat. Comment réunir les deux, l’atmosphère et le climat ? Peut-être qu’on ne le peut pas. Mais quand je rentre après avoir dit au revoir à T., tard dans la nuit, mais pas trop tard non plus, quand je marche dans le froid dans les rues pas encore tout à fait désertes, ne dois-je pas reconnaître que tout — l’atmosphère, le climat, la soirée qui s’achève —, tout est parfait, parfaitement en ordre, comme s’il était naturel que les choses se passent ainsi, comme si les choses ne pouvaient pas être autrement qu’ainsi, et parfaites ainsi. Pourtant, nierai-je que l’enfant est difficile et que je ne la comprends pas, que je me sens absolument dépassé, impuissant, imbécile, grossier, violent, inutile face à elle ? Non. Il me semble que je n’ai rien appris en sept ans, que je ne puis rien apprendre, que je ne suis qu’une sorte de mal nécessaire dont elle attend de pouvoir se passer, et peut-être le suis-je vraiment, oui, je crois que je le suis vraiment. Amaretto sour, c’était le nom du premier cocktail de la soirée au Rosebud. Parfait, parfaite, mais tout n’est pas comme lui, tout n’est pas comme elle, non, ainsi va la vie.